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Prison avec sursis requise contre l'ex-patron de la DGSE Bernard Bajolet

Le parquet a requis vendredi six à huit mois de prison avec sursis contre l'ex-patron des services secrets français Bernard Bajolet, suspecté d'être à l'origine d'une tentative d'extorsion à l'encontre d'un homme d'affaires en litige avec la DGSE, un ordre qu'il nie avoir donné.

ALAIN JOCARD - AFP

Le parquet a requis vendredi six à huit mois de prison avec sursis contre l'ex-patron des services secrets français Bernard Bajolet, suspecté d'être à l'origine d'une tentative d'extorsion à l'encontre d'un homme d'affaires en litige avec la DGSE, un ordre qu'il nie avoir donné.

M. Bajolet, patron de la DGSE entre avril 2013 et mai 2017 et aujourd'hui âgé de 76 ans, comparaît depuis jeudi devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour complicité de tentative d'extorsion et atteinte arbitraire à la liberté individuelle par personne dépositaire de l'autorité publique.

La décision sera rendue le 8 janvier, soit presque 10 ans après les faits, qui remontent au 12 mars 2016.

Ce jour-là, Alain Dumenil, homme d'affaires franco-suisse impliqué dans pléthore d'affaires judiciaires et de litiges commerciaux, est arrêté par la police aux frontières à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle alors qu'il doit se rendre en Suisse.

Les policiers l'emmènent sous prétexte de devoir vérifier son passeport et le conduisent dans une salle.

Deux hommes en civil, appartenant à la DGSE mais jamais identifiés, entrent dans la pièce et informent M. Dumenil qu'il doit rembourser 15 millions d'euros à la France, les services de renseignements estimant qu'il les a escroqués au début des années 2000.

Les agents le menacent, notamment en lui montrant un album de photographies de ses proches, et l'homme d'affaires s'emporte et annonce porter plainte. Les agents s'éclipsent.

- "Eviter l'humiliation" -

Au cours de ce procès, qui a parfois semblé devenir celui des services secrets, Bernard Bajolet a toujours reconnu avoir validé le principe d'une rencontre mais sans avoir jamais imaginé, a-t-il assuré, que cela se ferait avec "une forme quelconque de contrainte".

"Les choses ne se sont pas passées comme elles auraient dû", avait reconnu jeudi Bernard Bajolet.

Mais pour le parquet, "la version de M. Bajolet n'a aucun sens".

"Il va de soi que les agents avaient des instructions" et donner un ordre rend la personne "punissable comme complice", a considéré la procureure qui, reconnaissant en M. Bajolet un "grand serviteur de l'Etat", a toutefois demandé d'"éviter l'humiliation" et de ne pas inscrire la condamnation sur son casier judiciaire.

L'avocat de la défense Mario-Pierre Stasi, qui a dépeint Bernard Bajolet comme "un homme intègre, pudique, d'une rectitude morale admirable", a appelé à ne pas tirer du terme "initiative" des conclusions hâtives quant à une implication directe de l'ex-patron de la DGSE.

Son confrère Joachim Bokobsa a, pour sa part, pointé la responsabilité de la police aux frontières dans le "faux contrôle" de passeport qui est, selon lui, le seul élément de l'atteinte à la liberté et qui "n'est pas imputable à la DGSE".

- Préjudice "incommensurable" -

Dans leur plaidoirie, les avocats de la partie civile ont autant visé M. Bajolet, responsable selon Me William Bourdon de cette "misérable petite barbouzerie", que la DGSE et "sa culture du secret, sa culture de l'impunité, sa culture de l'immunité".

A plusieurs reprises durant l'instruction, la justice a ainsi cherché à connaître l'identité des agents qui ont menacé M. Dumenil.

"A quatre reprises, on a refusé, on a fait obstacle, on a brandi le secret de la Défense nationale", a pointé Me Nicolas Huc-Morel, qui représentait également M. Dumenil.

Faisant état d'un préjudice "incommensurable", il a demandé trois millions d'euros. Un montant qualifié d'"indécent" par la défense.

Lors de ces deux jours, les débats ont également longtemps tourné autour du litige opposant M. Dumenil à la DGSE.

Les services secrets estiment que l'homme d'affaires les a arnaqués et leur doit 15 millions d'euros, dont trois d'intérêts, à la suite des manœuvres financières qui lui ont valu d'être mis en examen pour banqueroute.

Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, les services de renseignements extérieurs gèrent un patrimoine privé confié par l'État dans une volonté d'indépendance de l'institution en cas d'occupation étrangère ou de disparition du gouvernement.

À la fin des années 1990, les services secrets réalisent des investissements infructueux dans une société. Alain Dumenil est appelé à la rescousse mais, selon un article de Challenges datant de 2021, a alors réalisé, via une holding, un "tour de passe-passe" au détriment, notamment, de la DGSE.

Par Kevin TRUBLET / Bobigny (France) (AFP) / © 2025 AFP

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