Mohammed Benmeddour, vous êtes médiateur dans les quartiers nord de Marseille. Il y avait une nouvelle visite de Gérald Darmanin et Laurent Nuñez hier. Avez-vous senti que ce déplacement était différent des autres ?
« Personnellement, je ne pense pas qu'il a été différent des autres. Il a été plus marquant, certes, suite à l’actualité. Mais on en est à un énième déplacement de ministres dans la cité phocéenne suite à des drames. On a eu Socayna, Rayan, Nassim. Qu'est-ce qui change ? Un innocent de plus est décédé. Les ministres sont certes venus à Marseille avec plus ou moins des propositions.
Mais le plus important, est-ce qu'ils sont venus avec les mains vides ? On nous dit que les budgets de l'État sont en baisse, que les caisses de l'État sont vides. Alors que peuvent-ils faire de plus ? S'il fallait qu'ils fassent des propositions plus ou moins abordables et pragmatiques pour la ville de Marseille il faudrait des moyens. Il faudrait déjà un budget, il faudrait des moyens conséquents en termes de moyens humains, matériels. Et une vraie concertation avec nous. »
"On n'a pas assez de moyens"
En réalité les ministres sont donc venus pour rien ? C’était une visite d'affichage hier à Marseille ?
« Plus ou moins, ils n'ont pas fait de propositions concrètes à mes yeux. Parce qu'ils n'ont pas les moyens. Le problème pour pouvoir agir en conséquence il est budgétaire. Parce qu'il faudrait un renfort conséquent de policiers. Les policiers se plaignent de ne pas pouvoir travailler dans de bonnes conditions, de ne pas avoir les moyens. Puis nous, les éducateurs, on a une baisse de subventions qui est conséquente.
On n'a pas assez de moyens, on a le même problème que les policiers, on n'est pas assez nombreux. Il faudrait occuper le terrain. La seule solution à l'heure actuelle à Marseille serait d'occuper le terrain. Tout le monde le dit : la police de proximité a lâché le terrain. Malheureusement, ce sont d'autres personnes qui ont récupéré le terrain. »
Narcotrafic : "On a une criminalité de plus en plus juvénile. Ces jeunes sont déshumanisés et déconnectés de la réalité. Ils sont tellement confrontés à la violence qu'ils n'ont plus le sens de la vie humaine" déclare Mohammed Benmeddour #GrandMatinhttps://t.co/2v6CVDseQf pic.twitter.com/QKHFph2F3d
— Sud Radio (@SudRadio) November 21, 2025
"Les gens sont dans la paranoïa"
Le ministre de l'Intérieur, Laurent Nunez, a repris les termes de crimes d’intimidation. La peur a-t-elle officiellement gagné les rues de Marseille ?
« Pour commencer, ce n'est pas un règlement de compte, parce que ce n'est pas un compte réglé en interne. Donc ce meurtre a semé l'effroi, la peur et la terreur. À Marseille, plus personne n'ose parler. Tout le monde est dans la psychose et les gens se disent qu’un de leurs proches peut être touché du jour au lendemain, parce qu'ils ont milité, parce qu'ils ont ouvert leur bouche. Donc ça fait peur. Vu la médiatisation de l'affaire, le mode opératoire et le profil de la victime, les gens sont dans la paranoïa. »
"Une criminalité de plus en plus juvénile"
Est-ce que vous constatez autour de vous, une déshumanisation d'une partie de la jeunesse, déjà ancrée dans une certaine forme de violence ?
« Bien sûr. On a une criminalité qui est de plus en plus juvénile et des auteurs d'assassinats de plus en plus juvéniles. On a aussi des victimes de plus en plus juvéniles. Ces jeunes-là sont déshumanisés, déconnectés de la réalité. Ils vivent par procuration à travers les réseaux sociaux, n'ont plus le sens de la vie humaine. Ils sont tellement confrontés à la violence autour d'eux, ils entendent chaque semaine des morts, de fusillades, d’armes et voient sur les réseaux sociaux passer des vidéos atroces.
Une fois j'ai trouvé un corps calciné d'une jeune femme de 26 ans. J’étais parti en sortie avec un groupe de jeunes et quand ils ont trouvé le corps avec moi, immédiatement ils ont sorti leur téléphone, ils ont filmé. Ils étaient hilares sur la vidéo, ils ont diffusé la vidéo sur les réseaux sociaux. Donc ça montre l'état de notre jeunesse. Et moi j'alerte depuis des années, notre jeunesse va mal. Il faut qu'on mette les moyens sur la jeunesse, un encadrement renforcé. »