Karine Lellouche hérite il y a quelques années de la maison de son père décédé, à Andernos-les-Bains, au bord du bassin d’Arcachon. Sauf qu’au moment où elle veut vendre le bien, un squatteur s’est installé dedans. Elle tente la voie classique en portant plainte. Mais problème, les voies se ferment devant elle : “La gendarmerie m'a affirmé que si je mettais un pied dans mon terrain, c'est moi qui serais embêtée parce que ce monsieur était désormais chez lui, raconte-t-elle. J'ai alors porté plainte. Je me suis rapprochée du préfet et tout le monde a fermé les portes. Ensuite on m'a dit qu'en fait pour que ça marche, il aurait fallu que je prouve qu'il y ait eu voie de fait, agression. Mais moi, j'étais incapable de prouver d'autant que le squatteur m'a dit que la maison était ouverte..."
"J'ai choisi la mauvaise solution..."
Désespérée, Karine Lellouche décide de faire justice elle-même et fait appel à deux personnes, qui la contactent via les réseaux sociaux et lui proposent de déloger le squatteur contre une somme de 5000 euros. “Dans ma détresse, quand j'ai vu l'inefficacité des pouvoirs publics, j'ai dit ''ouais''. Mais j'ai choisi la mauvaise solution” car effectivement et je le reconnais, on n'a pas le droit de faire justice soi-même. En aucun cas. Ça, j'en suis consciente, c'est pour ça que j'accepte ma peine et que je ne veux même pas passer en appel. Je paye pour ce que j'ai fait."
“Il y a des failles dans cette loi”
Le squatteur porte plainte, profite de la faille de la loi. Karine se retrouve alors au cœur d’un procès dont elle ne pensait pas être l'accusée. “Le problème, c’est qu'il y a quand même des failles dans cette loi” insiste-t-elle d'emblée. Maintenant l'affaire elle est derrière moi, c'est jugé, mais je tiens à m'exprimer parce que je voudrais que ça bouge un petit peu.”
Condamnée à 1 an de prison avec sursis il y a tout juste trois jours, Karine et son histoire ont fait réagir plusieurs personnalités. A commencer par Grégory Coupet, ancien footballeur professionnel et international français, qui lui a apporté son soutien sur le réseau social X.
Que dit la loi ?
Découvert en mars 2025, le squat place Karine face à une procédure très encadrée. Pour expulser rapidement un occupant, la loi s’appuie sur l’article 38, qui ne fonctionne que si l’on prouve une “introduction et un maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contraintes”.
Romain Rossi-Landi, avocat au barreau de Paris spécialisé en droit immobilier, juriste spécialiste du sujet, rappelle le caractère extrêmement limité de ce texte : “Le texte de l’article 38 est restrictif.”. Par ailleurs, l’avocat estime que la décision est discutable : “On aurait pu être un peu audacieux en disant qu’il y a une manœuvre à rentrer chez quelqu’un.”
Sans preuve d’effraction, Karine ne pouvait passer que par une procédure judiciaire classique, beaucoup plus longue : “Il aurait fallu engager une procédure qui peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années” rappelle maître Rossi-Landi.
"Je voudrais que les politiques bougent un petit peu"
Aujourd’hui, Karine dit assumer pleinement ses actes et accepter sa peine. Elle souhaite surtout témoigner pour mettre en lumière les failles d’une loi qui laisse des propriétaires sans solution rapide : "J'accepte ma peine, répète-t-elle, mais je voudrais que les politiques bougent un petit peu. Il y a quelque chose à faire avec cette loi."