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A son procès, Péchier reconnaît un patient empoisonné... mais par un autre

L'ex-anesthésiste Frédéric Péchier a admis que la première des 30 victimes qui lui sont imputées avait bien été empoisonnée, tout en continuant à nier en être à l'origine, lundi devant la cour d'assises du Doubs.

SEBASTIEN BOZON - AFP/Archives

L'ex-anesthésiste Frédéric Péchier a admis que la première des 30 victimes qui lui sont imputées avait bien été empoisonnée, tout en continuant à nier en être à l'origine, lundi devant la cour d'assises du Doubs.

Au début de la quatrième semaine de ce procès hors-normes, l'ancien anesthésiste-star de Besançon a été interrogé sur les deux premiers décès qui lui sont reprochés, en octobre 2008 à la clinique Saint-Vincent.

L'accusation le soupçonne d'avoir pollué des poches de perfusion de patients avec des produits anesthésiques ou du potassium pour nuire à ses collègues avec lesquels il était en conflit.

Damien Iehlen, 53 ans, est mort le 10 octobre 2008 à la clinique Saint-Vincent de Besançon où il était venu se faire opérer d'un rein. Son autopsie a permis de relever dans son sang un taux très élevé de lidocaïne, un anesthésique local, "cinq fois la dose létale".

Selon les experts, de la lidocaïne avait été introduite préalablement dans une poche de perfusion utilisée pour son endormissement.

- "Pas moi" -

La présidente de la cour d'assises a demandé à Frédéric Péchier s'il admettait que Damien Iehlen avait été victime d'un "empoisonnement".

L'ex-anesthésiste Frédéric Péchier arrive au tribunal de Besançon le 9 septembre 2025

L'ex-anesthésiste Frédéric Péchier arrive au tribunal de Besançon le 9 septembre 2025

SEBASTIEN BOZON - AFP/Archives

"Tout à fait", a répondu calmement l'accusé, qui avait jusqu'à présent toujours contesté cette hypothèse, préférant celle d'une possible erreur médicale de sa collègue chargée de l'anesthésie.

Pourquoi un tel revirement? "J'ai mis du temps" à le reconnaître, "car je ne peux pas considérer qu'on empoisonne des patients", a-t-il répondu, finalement convaincu par un expert lors de l'audience.

"Quelqu'un a mis les flacons de lidocaïne dans la poche. Et ce n'est pas moi", a soutenu l'accusé.

"Un empoisonneur sévissait à Besançon depuis 2008, c'est évident", avait déclaré vendredi soir son avocat, Randall Schwerdorffer. "Maintenant, c'est à l'accusation de démontrer que cet empoisonneur est Frédéric Péchier".

- "Concordance des cas" -

Frédéric Péchier à la cour d'assises du Doubs, à Besançon, le 8 septembre 2025

Frédéric Péchier à la cour d'assises du Doubs, à Besançon, le 8 septembre 2025

SEBASTIEN BOZON - AFP/Archives

En revanche, M. Péchier a contesté l'hypothèse d'un empoisonnement pour Suzanne Ziegler, décédée cinq jours seulement après M. Iehlen.

Cette femme de 74 ans a-t-elle été empoisonnée? "Je ne pense pas. Je pense qu'il y a eu une pathologie cardiaque sous-jacente" et "que cette patiente a été sous-estimée sur le plan cardiaque", a indiqué M. Péchier à la barre.

Selon l'accusé, "il n'y a pas d'argument pour montrer une intoxication aux anesthésiques locaux".

Deux premiers experts entendus vendredi n'ont pas voulu se prononcer sur l'origine de son décès.

Deux autres, lundi, ont au contraire "été beaucoup plus tranchés" en faveur de l'hypothèse d'une intoxication à la lidocaïne, a relevé la présidente de la cour, Delphine Thibierge.

L'une des deux avocates générales, Thérèse Brunisso, a souligné les similitudes entre les décès de Damien Iehlen et Suzanne Ziegler: "même temporalité dans l'apparition des troubles médicaux, cinq minutes après l'induction, même troubles cliniques, même lidocaïne retrouvée dans les séquestres, à quatre jours d'intervalle".

"Vous emmenez la cour sur des chemins de traverse", a-t-elle lancé en direction de M. Péchier, avant un interrogatoire tendu de l'accusé par sa collègue de l'accusation, puis par les avocats des parties civiles.

Le docteur Péchier a tenu bon, trébuchant parfois sur ses explications parfois alambiquées et ses "revirements" décriés par les victimes.

"Quoi que vous disiez, on s'en fout, on regarde le coupable" décrit par l'accusation et les enquêteurs, "quoi que vous disiez, de tout façon vous aurez toujours tort", a asséné son avocat Randall Schwerdorffer, dénonçant à nouveau "l'absence de preuve".

Frédéric Péchier est jugé depuis le 8 septembre pour 30 empoisonnements de patients âgés de 4 à 89 ans, dont 12 mortels, dans deux cliniques privées de Besançon entre 2008 et 2017.

Il a donc reconnu l'existence de trois empoisonnements sur les quatre déjà étudiés par la cour.

"On a un accusé acculé, dans les cordes, qui est prêt à s'effondrer, la question c'est : à quand les aveux complets ?", a estimé devant la presse Stéphane Giuranna, avocat des parties civiles. "Il serait temps de reconnaître les faits, ce serait réparateur pour les parties civiles et pour sa ligne de défense un grand pas en avant", a-t-il ajouté.

L'ancien médecin anesthésiste-réanimateur comparaît libre, mais encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict est attendu le 19 décembre.

Par Angela SCHNAEBELE / Besançon (France) (AFP) / © 2025 AFP

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