"Une nouvelle et triste étape dans la montée de la haine antimusulmane": au moins neuf têtes de cochon ont été découvertes mardi matin devant des mosquées de la capitale et de la région parisienne, suscitant des réactions indignées.
Ces têtes de porc, animal considéré comme impur par l'islam, ont notamment été découvertes sur la voie publique à Paris, devant l'entrée de la mosquée Islah à Montreuil (Seine-Saint-Denis), ainsi qu'à Montrouge, Malakoff (Hauts-de-Seine) et Gentilly (Val-de-Marne).
A Paris, des têtes ont été découvertes, devant des mosquées des 15e, 18e et 20e arrondissement.
Plusieurs des têtes de cochon "supportaient une inscription +MACRON+ écrite à l'encre bleue", a précisé le parquet de Paris à l'AFP.
Au total, au moins neuf têtes ont été retrouvées, "quatre à Paris et cinq en petite couronne", a détaillé le préfet de police de Paris Laurent Nuñez, disant ne pas exclure "qu'on en découvre d'autres".
Emmanuel Macron s'est entretenu avec les représentants de la communauté musulmane de Paris après cette découverte et leur a exprimé son "soutien".
"On ne peut s'empêcher de faire des rapprochements avec des actions précédentes (...) dont il a été avéré que c'était des actions d'ingérence étrangère", a fait valoir M. Nuñez, appelant toutefois à rester "très prudent".
Il faisait référence à de précédentes affaires, attribuées à de possibles ingérences étrangères, dont les tags d'étoiles de David dans Paris à l'automne 2023 ou de mains rouges sur le Mémorial de la Shoah en mai 2024.
L'enquête pour provocation à la haine aggravée par la discrimination en raison de l'appartenance à une race ou religion a été confiée à la brigade criminelle de la préfecture de police de Paris, selon le parquet de la capitale, qui centralise les investigations.
Le recteur de la Grande mosquée de Paris Chems-eddine Hafiz a dénoncé "une nouvelle et triste étape dans la montée de la haine antimusulmane", appelant "à une prise de conscience et à une solidarité nationale", après s'être entretenu avec la ministre déléguée chargée de la Lutte contre les discriminations Aurore Bergé.
Devant la mosquée de l'Union des musulmans de Malakoff, Caroline (prénom modifié) est venue déposer un bouquet de trois roses blanches pour montrer son "soutien et (s)a solidarité", bien qu'elle ne se considère "pas croyante".
"Les gens ne devraient pas avoir à cacher leur foi, en tout cas c'est pas ce qu'on m'a appris de la laïcité quand j'étais à l'école", estime l'ancienne directrice d'association de 40 ans.
- Hausse des actes anti-musulmans -
A Paris, la maire PS Anne Hidalgo a condamné des "actes racistes" et a assuré de sa "solidarité avec la communauté musulmane", précisant que la Ville avait saisi la justice.
A la mosquée Islah de Montreuil, les fidèles se rassemblent par petits groupes avant d'entrer dans la salle de prière. "On est de plus en plus inquiets", déclare Issa Doukouré, habitué des lieux, pointant des "actes de haine qui continuent à s'intensifier".

Des fidèles quittent la mosquée d'Islah, à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, devant laquelle une tête de cochon a été retrouvée, le 9 septembre 2025
Bertrand GUAY - AFP
"On reste sereins, on ne se laisse pas trop impressionner par ça", soutient de son côté Haider Rassool, vice-président de la mosquée.
L'édile de la ville, Patrice Bessac (PCF), s'est rendu sur place avant la prière de 13H30 pour "témoigner de (s)on amitié" aux fidèles, dénonçant "une provocation islamophobe" dans cette commune où deux lieux ont été visés.
"C'est la première fois que l'on a un acte aussi ignoble et lâche" à Gentilly, a déclaré à l’AFP le maire de la ville Fatah Aggoune (apparenté PCF), condamnant des "pratiques abjectes" visant à "diviser".
La ville de Malakoff (PCF) a également condamné "cet acte islamophobe" et rappelé "son attachement aux valeurs de vivre-ensemble et de fraternité".
De son côté, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (LR) a fait part de son "indignation" face à "cette sorte de profanation".
Le sénateur de Paris Ian Brossat (PCF) a condamné des actes visant "à intimider, à humilier et à nourrir la haine contre nos concitoyens musulmans".
"Cela fait des mois qu'on alerte, et nous ne sommes pas entendus", a affirmé à l'AFP Bassirou Camara, le président de l'Addam (association de défense contre les discriminations et les actes antimusulmans), demandant une "réaction forte" des autorités.
L'association SOS Racisme a alerté sur des "discours stigmatisants qui se banalisent dans l'espace public" et "légitiment des passages à l’acte", rappelant l'assassinat d'un jeune malien, Aboubakar Cissé, au sein de la mosquée de La Grand-Combe (Gard) en avril 2025.
Les actes antimusulmans enregistrés en France sur la période janvier-mai 2025 ont augmenté de 75% par rapport à 2024, avec un triplement des atteintes aux personnes, selon des chiffres du ministère de l'Intérieur de juillet.
La France compte entre cinq et six millions de musulmans pratiquants et non-pratiquants, ce qui fait de l'islam la deuxième religion du pays et de la communauté musulmane française la première en Europe.
Par Diane MERVEILLEUX et Madeleine DE BLIC / Paris (AFP) / © 2025 AFP