Pourquoi faut-il remonter son cache-hublot à l'atterrissage? A quoi ressemble un décollage vu du cockpit? Sur TikTok ou Instagram, stewards, hôtesses de l'air et pilotes montrent les coulisses des vols et des escales dans des vidéos parfois filmées à bord et attirant des millions de vues.
"Fly with Manon", "Matpilote", "Clara l'hôtesse en jet", "Mina dans les airs" ou "Mathieu le steward" partagent leur quotidien, détaillent les grandes étapes de leur planning mensuel et répondent à des questions récurrentes sur le contenu de leur valise ou la nécessité ou non d'un visa à chaque escale...
"Bienvenue dans le cockpit du Boeing 737, aujourd'hui nous allons atterrir piste 31", annonce "Matpilote" dans une séquence filmée juste avant son arrivée à Marseille.
Entre la désactivation du pilotage automatique, des explications sur la numérotation des pistes et sur ses manœuvres, il montre à ses plus de 163.000 abonnés les étapes cruciales ponctuant les derniers kilomètres de son itinéraire.
Une approche didactique revendiquée par le pilote de ligne de 30 ans aux 2.800 heures de vol, qui a décidé de partager en images son quotidien professionnel après le succès inattendu, pendant sa formation, de ses premières vidéos YouTube filmées à bord de petits avions, destinées à sa famille.
"L'idée, c'est d'apporter de la connaissance sur une réalité qui fascine le public et lui fait peur en même temps", explique-t-il, convaincu que ses vidéos rassurent en montrant que le pilotage d'un avion est "rationnel, maîtrisé, un peu comme la conduite d'une voiture".
Mathieu Allouch, alias "Mathieu le steward", raconte, lui, à ses plus de 235.000 abonnés le quotidien des hôtesses et stewards dans des sketchs, des vidéos pédagogiques ou d'escales à l'étranger.
Il reçoit aussi "tous les jours" des questions sur la sécurité des vols.
"Les gens ont peur des turbulences, donc je leur explique qu'elles sont surprenantes mais pas dangereuses pour l'avion, ni pour les passagers tant qu'ils ont attaché leur ceinture", raconte le trentenaire, ancien animateur radio et TV.
- Une image contrôlée -
S'il arrive souvent aux deux vidéastes d'être reconnus sur terre par des collègues ou des passagers, ils redoublent de précautions pour préserver l'anonymat de leur compagnie aérienne.
Mathieu Allouch enfile un faux costume de steward pour ses tournages, jamais réalisés à bord. Son employeur connaît l'existence de ses vidéos, mais il préfère le garder secret pour "garder une certaine liberté" dans son contenu, estimant qu'il représente "sa corporation en général".

"Très favorable" à ce que des pilotes expliquent leur métier, le SNPL juge toutefois préférable qu'ils se filment hors des avions pour "des raisons de sécurité"
Geoffroy Van der Hasselt - AFP/Archives
Pour "Matpilote", qui s'assure de flouter l'immatriculation de son appareil et ne souhaite pas divulguer son vrai nom, ne "pas associer son image à celle de la compagnie" est un prérequis pour pouvoir partager son contenu filmé en vol.
Les pratiques varient selon les compagnies, certaines interdisant les prises de vue des pilotes dans l'avion, quand d'autres peuvent l'autoriser à condition d'une demande préalable, pointe le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL).
"Très favorable" à ce que des pilotes expliquent leur métier, le SNPL juge toutefois préférable qu'ils se filment hors des avions pour "des raisons de sécurité": risque de distraction aux commandes, de divulgation d'informations sensibles du cockpit...
De son côté, le Syndicat national du personnel navigant commercial (SNPNC) rappelle qu'à bord, l'image appartient "en grande partie à l'entreprise".
En conséquence, s'y filmer en uniforme pour une diffusion publique "nécessite en principe l'accord de la compagnie" au risque de sanctions disciplinaires - même si, en pratique, les compagnies peuvent "tolérer" des publications qui les valorisent. Voire les mettre en avant sur leur propre compte TikTok, comme l'a fait Air Caraïbes avec une vidéo de "Fly with Manon", une salariée à l'uniforme identifiable sur son profil.
Tout en défendant "la liberté d'expression" des navigants, le syndicat juge que la priorité à bord reste "la sécurité et la confidentialité".
En ligne, le succès de ces vidéos repose sur la curiosité du public pour la vie hors norme de l'équipage, selon Mathieu Allouch.
"Ce métier est un peu énigmatique, il fascine parce qu'il n'est pas normal. Je ne vais pas au bureau du lundi au vendredi, je change de collègues toutes les semaines, on est au-dessus des nuages", estime le steward.
Par Alexis ORSINI / Paris (AFP) / © 2025 AFP