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Un mois après un rapport accablant, la prison pour mineurs de Marseille entame sa rénovation

Un mois après un rapport accablant préconisant sa "fermeture", la prison pour mineurs de Marseille, dénoncée pour ses conditions indignes d'incarcération, vient d'achever de premiers travaux, avant le lancement en octobre d'un programme global de rénovation.

Christophe SIMON - AFP/Archives

Un mois après un rapport accablant préconisant sa "fermeture", la prison pour mineurs de Marseille, dénoncée pour ses conditions indignes d'incarcération, vient d'achever de premiers travaux, avant le lancement en octobre d'un programme global de rénovation.

Peinture immaculée, mobilier restauré, sol et sanitaires refaits à neuf, l'unité n°6 est, avec ses quatre cellules encore inoccupées, la plus petite des sept unités de détention de l'Etablissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de La Valentine. D'ici l'été 2026, l'ensemble des unités devraient être réhabilitées.

"Cet été, nous avions 57 détenus (pour 59 places), nous sommes maintenant à 38, ce qui nous permet de planifier les travaux", expose le directeur-adjoint de l'EPM à la sénatrice écologiste de Paris, Anne Souyris, en visite inopinée de l'établissement samedi, accompagnée de journalistes dont l'AFP.

Selon ce responsable qui n'a pas souhaité être identifié, "il n'y a pas eu d'instruction pour ne pas écrouer", mais "certains magistrats évitent d'incarcérer sur l'EPM" depuis la publication fin août du rapport de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL).

Un rapport "très très mal vécu par les personnels", confie-t-il, sans nier le manque d'effectifs et de moyens, et "l'état très dégradé de certaines cellules", imputé aux détenus.

- Draps pour "yoyos" -

Sur les murs des unités de détention, de longs lambeaux de draps déchirés pendent aux fenêtres, des "yoyos" qui permettent aux détenus d'envoyer des objets d'une cellule à l'autre.

D., 17 ans, a lesté son "yoyo" avec un morceau de mousse prélevé sur son matelas et s'en sert pour "passer des trucs, comme des CDs..."

Incarcéré depuis un an dans l'unité n°3, D. est arrivé à Marseille en 2022 depuis la Tunisie. Déjà arrêté cinq fois pour "du deal de coke", il purge sa deuxième peine à La Valentine.

D. n'a "rien à dire" sur ses conditions de détention, rechigne aux cours théoriquement obligatoires et reste interloqué quand la sénatrice évoque la possibilité de passer un diplôme. "Ca va, on fait nos petites bêtises..."

"On a actuellement une dizaine de mineurs qu'on voit très régulièrement, parfois jusqu'à 6 ou 7 fois avant leur majorité", commente le directeur-adjoint.

Y., 17 ans, originaire de Nice, est à l'EPM depuis quatre mois. Lui aussi évoque les "bêtises" qui lui ont valu son transfert à l'unité n°1, réservée aux cas nécessitant une "gestion individualisée". Les murs sont couverts de graffitis salaces ou injurieux, les sanitaires souillés. "On m'a mis ici pour des bagarres", mais il espère retourner d'ici deux semaines dans son unité d'origine, "plus propre". "Faut que ça ferme ici !"

A la sénatrice, il se plaint de son matelas "trop dur", de l'eau "tiède" de la douche, mais apprécie les activités, sport ou ateliers.

Comme 70% des détenus de l'EPM, Y. est en attente de jugement, "depuis quatre mois".

En moyenne, les mineurs, de plus de 16 ans pour 81% d'entre eux, restent incarcérés un mois et 20 jours à l'EPM. Mais certains lourdement condamnés peuvent y passer plusieurs années. 77% sont emprisonnés pour des faits liés au trafic de drogue.

- Fin des "grilles" -

Ce samedi, le quartier disciplinaire, fraîchement repeint, est vide. Trois locaux exigus, barreaudés du sol au plafond, y servaient jusqu'à fin août à isoler certains détenus, "le temps qu'ils se calment", explique le chef de la détention. Cette "mise en grille", jugée "inhumaine et dégradante" par la CGLPL, a depuis été proscrite par le ministre de la Justice Gérald Darmanin.

Autres effets immédiats du rapport, tous les matelas ont été changés, les quantités "réglementaires" de nourriture contrôlées, et le pain distribué le matin au lieu du midi pour garantir un petit-déjeuner.

"Je ne dis pas qu'on fait tout bien, il y a des manquements", admet le chef de la détention, qui met en avant un "manque de personnel". "Les effectifs théoriques ne sont couverts qu'à 80%", confirme le directeur-adjoint, invoquant également "un absentéisme historique élevé".

"Il faudrait des moyens supplémentaires pour répondre aux besoins notamment en psychiatrie", insiste-t-il, évoquant ceux qui "entendent des voix" ou ont des "traits paranoïaques ou schizophrènes".

Autre problème criant, l'unité sanitaire, gérée par l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, ferme vers 16H15. Au-delà, et le weekend, il faut appeler les pompiers.

Néanmoins, reconnaît-il, "le rapport de la contrôleure générale a enclenché des actions rapides et l'attribution de moyens supplémentaires".

"Il y a une évolution positive", estime aussi la sénatrice Anne Souyris, qui relève "des améliorations sur la nourriture, les activités et la planification de la réfection", tout en réclamant "des postes en urgence" et une "réflexion globale sur la prévention de la récidive et la réinsertion".

Par Anne LE COZ / Marseille (AFP) / © 2025 AFP

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