Un record de pauvreté historique depuis 30 ans en France
Alors qu'en 1994, la lutte contre l'exclusion devenait la "grande cause nationale" du gouvernement en place, c'est aujourd'hui dans un quasi-silence que l'Insee a annoncé un niveau de pauvreté inédit dans le pays. Avec 15,4% de personnes pauvres en 2023 (soit près de 10 millions de personnes), la France atteint son plus haut niveau de précarité depuis près de 30 ans. En un an, pas moins de 650 000 personnes supplémentaires sont tombées dans la précarité, voire l'extrême précarité et ce, alors que l'emploi progresse.
Femmes et enfants : les nouveaux visages de la misère
En France, la pauvreté s'est massivement féminisée. Aujourd'hui, les femmes représentent la majorité des adultes aidés par le Secours Catholique (56,4%) et les mères isolées sont, quant à elles, les plus touchées par la précarité. En effet, 3 mère seules sur 4 vivent actuellement sous le seuil d'extrême pauvreté. Une situation qui n'épargne d'ailleurs pas les enfants, qui représentent pour l'heure plus d'un tiers (39%) des personnes aidées par le Secours Catholique. Ainsi, en 2025, un enfant sur 5 grandit dans un ménage sans aucunes ressources... un chiffre presque dix fois plus élevé qu'en 1994 et quasi-inimaginable à l'époque.
Pour comprendre cette misère, le Secours Catholique décrit dans son rapport "30 ans de regard sur les pauvretés" un basculement : le visage de la pauvreté n'est plus seulement celui du chômeur en fin de droits, mais bien celui d'une maman solo épuisée, d'un enfant privé de l'essentiel, d'une femme isolée de plus de 50 ans, parfois malade ou en situation de handicap.
Emploi précaire, santé fragile : la double peine de la pauvreté
Autre évolution majeure : travailler ne protège désormais plus de la précarité. En effet, près de 18% des personnes accueillies par le Secours Catholique occupent un emploi, mais avec un niveau de vie moyen de 855 euros... loin des 2 443 euros de la population générale. À qui la faute ?
Selon le Secours Catholique, la généralisation des emplois précaires en France est responsable de cette terrible situation. Actuellement, trois quarts des actifs accompagnés par l'association enchaînent contrats courts, temps partiels subis ou saisonniers. Même les titulaires d'un CDI, de plus en plus visibles dans les points d'accueil du Secours Catholique, ne parviennent plus à vivre dignement. Didier Duriez (président du Secours Catholique) les qualifie tristement de "travailleurs pauvres".
Dans le même temps, le rapport du Secours Catholique soulève un autre point : la pauvreté est de plus en plus liée aux problèmes de santé, au handicap et à l’isolement. L’inaptitude au travail pour raison de santé a d'ailleurs doublé depuis 1999.
Une société qui fabrique ses propres pauvres
D'autre part, le rapport annuel du Secours Catholique est catégorique : la dégradation de la pauvreté en France n'est pas un hasard. Réformes successives de l’assurance-chômage, non-recours croissant au RSA (38 % de ménages éligibles n’y accèdent plus), interdiction de travailler pour les étrangers sans titre de séjour, stagnation du minimum social… autant de politiques qui alimentent la précarité. Résultat ? Plus de 6 ménages sur 10 accompagnés par le Secours Catholique vivent aujourd'hui dans l'extrême pauvreté, un niveau jamais atteint.
Un appel urgent au "réveil" et à la mobilisation
À l’échelle de l’Union européenne, la France se situe dans la moyenne : 20,5 % de la population est menacée de pauvreté ou d’exclusion sociale, selon l'indicateur européen. Pourtant, depuis 2015, la situation s’est nettement détériorée : parmi les États membres, la France est le pays où la progression de la pauvreté est la plus forte (une hausse de 11% en dix ans). Pour le Secours Catholique, ce constat impose une réaction immédiate. En effet, Didier Duriez appelle à un "réveil" face à une pauvreté plus dure et davantage ancrée dans le pays qu'il y a trente ans.