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L'allongement de la rétention des étrangers présumés dangereux censuré, revers pour Bruno Retailleau

Le Conseil constitutionnel a censuré la loi visant à allonger la durée de maintien en centre de rétention administrative (CRA) des étrangers présumés dangereux, un revers pour Bruno Retailleau qui avait porté cette mesure dès son arrivée au ministère de l'Intérieur.

Idriss BIGOU-GILLES - AFP

Le Conseil constitutionnel a censuré la loi visant à allonger la durée de maintien en centre de rétention administrative (CRA) des étrangers présumés dangereux, un revers pour Bruno Retailleau qui avait porté cette mesure dès son arrivée au ministère de l'Intérieur.

Dans sa décision rendue jeudi, le Conseil constitutionnel, saisi par les députés insoumis et communistes, a jugé que l’élargissement "aux personnes pouvant être maintenues en rétention pour une durée particulièrement longue, n’est pas proportionné à l'objectif de lutte contre l’immigration irrégulière poursuivi".

La loi prévoyait notamment d'allonger de 90 (trois mois) à 210 jours (sept mois) la durée de maintien en CRA d'étrangers, en instance d'expulsion, condamnés pour certains faits graves ou présentant une menace d'une "particulière gravité" à l'ordre public, ainsi qu'à ceux ayant été condamnés pour certains crimes ou délits graves (meurtre, viol, trafic de stupéfiants, vol aggravé avec violences...).

Une durée aujourd'hui uniquement applicable aux personnes condamnées pour terrorisme.

L'entrée du centre de rétention administrative de Nîmes le 24 juillet 2025

L'entrée du centre de rétention administrative de Nîmes le 24 juillet 2025

GABRIEL BOUYS - AFP/Archives

Le Conseil a rappelé que "le placement en rétention d'un étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire doit respecter le principe (...) selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit pas nécessaire".

Les Sages relèvent ainsi que les dispositions prévues par la loi s'appliquent "y compris pour des infractions qui ne sont pas d’une particulière gravité", mais également sans que l'administration ait à établir que le comportement d'un étranger, qui a exécuté sa peine, "continue de constituer une menace actuelle et d'une particulière gravité pour l’ordre public".

- "Camouflet" -

"C'est une décision qui sonne comme un camouflet pour le ministre de l'Intérieur et les parlementaires ayant voté le texte, en venant leur rappeler que dans un état de droit on ne peut pas agir impunément avec la privation de liberté", a réagi Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de la Cimade, association de défense des droits de migrants, auprès de l'AFP.

"Nous saluons ce coup d'arrêt porté à une dérive sécuritaire, de surcroît inefficace et maltraitante", a ajouté la responsable de l'association chargée d'intervenir dans les CRA.

"Chez nos voisins, les étrangers peuvent être maintenus en rétention jusqu’à 18 mois. En France, le Conseil constitutionnel interdit de dépasser 90 jours. Il ne protège plus les Français", a estimé à l'inverse le chef de file des députés LR Laurent Wauquiez.

Le député RN de La Somme, Matthias Renault, a lui fustigé sur X une "décision irresponsable, violant la souveraineté du Parlement, et en dehors des standards européens".

Dans le centre de rétention administrative de Nîmes le 24 juillet 2025

Dans le centre de rétention administrative de Nîmes le 24 juillet 2025

GABRIEL BOUYS - AFP/Archives

Parmi les rares articles de la loi sauvés par le Conseil constitutionnel, figurent l'autorisation de relever des empreintes digitales et la prise de photographies d’un étranger, sans son consentement, lors de son placement en CRA.

Adepte d'une ligne dure contre l'immigration, le ministre de l'Intérieur avait porté cette loi depuis le meurtre à Paris en septembre 2024 de Philippine, survenu lors de son arrivée place Beauvau.

Le meurtrier présumé de l'étudiante, un Marocain faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), venait de sortir d'un centre de rétention après plusieurs années en prison.

"Pour les crimes les plus graves, notre main ne doit pas trembler, il faut aller jusqu'à 180 jours, voire 210 jours", avait alors défendu Bruno Retailleau.

Lors de l'adoption définitive mi-juillet de la loi, proposée par la sénatrice Les Républicains Jacqueline Eustache-Brinio, le ministre avait ainsi salué un texte qui "va protéger les Français".

D'abord fixée à 10 jours en 1993, la durée en CRA a été portée de "manière exceptionnelle" à 90 jours avec la loi Collomb de 2018 et à 210 jours en matière terroriste.

En moyenne les personnes retenues dans les CRA y ont passé près de 33 jours en 2024, contre 28,5 l'année précédente, selon le dernier rapport des associations, mandatées par l'Etat pour intervenir dans les CRA.

L'an dernier, 40.592 personnes ont été retenues dans les 25 CRA, disséminés partout en France, contre 46.955 en 2023.

Par Estelle EMONET / Paris (AFP) / © 2025 AFP

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