"Dire joyeux Noël n’est pas un attentat à la laïcité". Au micro de Sud Radio, cardinal François Bustillo, évêque d’Ajaccio a répondu aux questions de Maxime Lledo dans le Grand Matin.
Maxime Lledo :"Le pape Léon XIV a célébré sa première messe de Noël comme souverain pontife avec cette phrase « Alors qu'une économie faussée conduit à traiter les hommes comme de la marchandise, Dieu se fait semblable à nous, révélant la dignité infinie de chaque personne". C'est aussi cela pour vous le grand message de Noël cette année ?"
Le cardinal François Bustillo :" Le message de Noël est un message de paix, de joie et d'amour. Et nous vivons dans une société, vous l'avez dit il y a quelques instants, où il y a beaucoup de violences, où il y a beaucoup de fractures, où il y a beaucoup aussi d'inquiétudes. Quand on regarde la vie géopolitique internationale, ou la vie politique nationale, on s'inquiète"
"Alors Noël c'est un moment où Dieu nous dit « Il y a l'amour ». N'oubliez pas l'amour, incarnez l'amour. Pour nous chrétiens, Noël c'est la fête de l'incarnation de l'amour. Je crois que notre société a besoin d'incarner l'amour, et le Pape l'a dit avec beaucoup d'autorité et aussi beaucoup de douceur, n'oublions pas la paix"
Maxime Lledo :" Dans votre message de Noël, vous incitiez sur deux mots très forts : l'incarnation et le silence. Pourquoi ces deux réalités, vous paraissent-elles particulièrement importante ?"
Le cardinal François Bustillo :"Parce que je crois que nous vivons dans une société assez conceptuelle et virtuelle. Et on s'éloigne un peu du réel. On a besoin de retrouver l'incarnation, c'est-à-dire de poser des gestes. Pour nous, chrétiens, l'incarnation, c'est Dieu qui se fait enfant. Donc il est incarné, il est visible, il est crédible, il est réel. Et je crois que notre société a besoin de retrouver le réel, un amour réel, qui passe par des paroles, par des comportements, par des actes positifs et constructifs"
"La mission de l'Église c'est de donner l'âme à Noël"
Maxime Lledo :"Les messes sont toujours très fréquentées. Selon un sondage IFOP, 89% des Français, toutes croyances confondues, considèrent que Noël est un moment essentiel dans leur culture ou dans leur tradition. En revanche, pour 47%, c'est d'abord une grande fête familiale et pour 20% c'est explicitement la naissance du Christ. Est-ce que, selon vous, c'est le signe d'une certaine forme de désacralisation ?"
Le cardinal François Bustillo :"On doit garder les repas de famille, les lumières dans nos villes, l'esprit de générosité par les cadeaux, le partage, tout cela est essentiel. Mais, comme je vous le disais tout à l'heure, la mission de l'Église c'est de donner l'âme à Noël, de rappeler à nos populations, à nos Français, que si on fête Noël, si on partage, si on se retrouve en famille, c'est parce que Jésus est né"
Maxime Lledo :"Mais est-ce que ce n'est que le rôle de l'Église de rappeler certaines traditions, certaines histoires, certaines profondeurs, certaines racines ?
Le cardinal François Bustillo :"L'Église le fait naturellement. L'Église va rappeler naturellement que si on fête, si on se retrouve en famille, c'est parce que Jésus est né. La société a soif d'authenticité"
"Dire joyeux Noël n’est pas un attentat à la laïcité"
Maxime Lledo :" On a aussi vu ces dernières semaines, une certaine gêne pour certains hommes politiques, à dire « Joyeux Noël ». Sans être polémique, est-ce que vous avez le sentiment qu'il y a une certaine difficulté assumée des certaines racines en France ?"
Le cardinal François Bustillo :"Aujourd'hui, il y a encore peut-être une forme de gêne aussi, pour parler de Noël. Mais il y a de plus en plus une quête quand même de sens liée à l'histoire, liée au patrimoine d'un peuple. Il ne faut pas hésiter à dire « Joyeux Noël », ce n'est pas un attentat à la laïcité. « Joyeux Noël » signifie qu'on vit une période de l'année où il y a une spiritualité, où il y a eu un événement qui nous a marqué. Je pense qu'il ne faut pas oublier le sens de Noël, l'âme de Noël. Notre société a besoin de retrouver des valeurs profondément humaines. Sans ces valeurs humaines, on devient des barbares. Je pense que notre société a soif d'une vie meilleure, donc n'hésitons pas à dire « Joyeux Noël »
Maxime Lledo :"Vous êtes très critique sur la société que nous vivons, vous la considérez méfiante, blessante. Vous parlez même par moment de lapidation médiatique. Vous évoquez les téléphones qui seraient de véritables armes de destruction massive. Est-ce que vous avez un œil vigilant sur tous les projets qui visent, par exemple à limiter l'usage des smartphones chez les jeunes ?"
Le cardinal François Bustillo :"Je crois que tout ce qui est électronique et virtuel, ce sont des moyens. Je crois que nous vivons dans une société très développée d'un point de vue virtuel mais on a un déficit relationnel. Je ne vais pas me prononcer sur le pour ou contre ou sanctionner, mais je crois que ces moyens doivent rester des moyens et pas des finalités"