Honnêtement, n’est-ce pas exagéré de demander la démission de Jean-Paul Delevoye de son poste de ministre, alors qu’il a admis ses erreurs, et qu’il a promis de rembourser les sommes qu’il n’aurait pas dû percevoir?
Non, ce n’est pas exagéré pour une question qui tient à l’éthique. Car observez bien, Patrick : dans sa déclaration d’intérêt initiale auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, Jean-Paul Delevoye n’a pas fait une omission, pas deux… non ! Au total, il a commis dix omissions, révélées jour après jour par la presse. Dix omissions, et en plus, il a minoré les rémunérations qu’il a perçues. Alors quand on entend dire Edouard Philippe que Jean-Paul Delevoye a agi de bonne foi, cela fait bondir. Pour une seule de ces omissions, dans un pays nordique, un élu serait exclu de la vie publique. Exclu à vie.
Soit dit en passant, on peut même ajouter une 11ème omission, puisque l’on vient d’apprendre que dans sa deuxième déclaration, Jean-Paul Delevoye avait oublier de mentionner encore un poste, celui de membre du conseil de la Fondation Brazzaville, fondé par un proche de l’autocrate congolais Denis Sassou-Nguesso.
Vous excluez donc la bonne foi ?
Mais la bonne foi, ce n’est pas la question. C’est le respect de la loi qui est en cause. Le respect de la loi qui depuis 2013 fait obligation à un ministre de déclarer à l’autorité garante de la probité des responsables publics, d’une part, sa situation patrimoniale, et d’autre part, ses responsabilités présentes et passées, si celles-ci sont susceptibles de présenter un risque de conflits d’intérêts et d’influencer sa prise de décisions futures. Et, plus grave encore, c’est le respect de la Constitution qui est aussi en cause, puisque son article 23 interdit à un ministre de cumuler cette fonction avec un autre emploi rémunéré. Ce qu’a fait Jean-Paul Delevoye pendant au moins trois mois. En clair, l’affaire Delevoye, c’est une affaire éthique. Mais c’est sans doute tout autant une affaire pénale.
Si c’est le cas, pourquoi le gouvernement le soutient-il ?
C’est une grave question car derrière cette affaire Delevoye, on pressent beaucoup de dysfonctionnements. D'abord le dysfonctionnement de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, qui avait connaissance de la rémunération illicite perçue par Delevoye et qui n’a pas saisi le parquet – on se demande bien pourquoi ! Et puis un dysfonctionnement de Matignon et de l’Elysée qui, avant la désignation d’un ministre, sont informés par la direction des impôts et par le secrétariat général du gouvernement, de sa situation financière et de ses possibles conflits d’intérêt. Ce qui fait peser un lourd soupçon sur le pouvoir : s’il soutient Jean-Paul Delevoye, n’est-ce pas précisément parce qu’il était informé des délits commis par lui, et qu’il s’en est accommodé ? C’est le propre de l’oligarchie : elle se sent souvent au-dessus de la loi commune et pense pouvoir jouir… d’une totale impunité.