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Bruno Delamotte : "en Afghanistan l'État n’existe pas, les forces de sécurité sont dans un périmètre clos et il y a des ennemis intérieurs"

Bruno Delamotte, consultant en sécurité internationale, spécialiste dans la lutte antiterroriste et auteur de "Questions d’intelligence, le renseignement face au terrorisme" (Éditions Michalon), était l'invité de Christine Bouillot dans le "12-13h de l’été" le 27 août 2021 sur Sud Radio.

Bruno Delamotte, invité du "12-13h de l'été".

L’attentat qui a eu lieu près de l’aéroport de Kaboul le 27 août 2021, était-il évitable ?

"À Kaboul, c’est une évacuation sans précédent"

"Ces attentats étaient inévitables. Vous amassez à l’entrée de l’aéroport un checkpoint, des milliers de gens sans espoir qui veulent partir, il est extrêmement facile pour n’importe quel groupe extrémiste de glisser au milieu un kamikaze. C’est le moyen de décrédibiliser tant les Talibans que les Américains, qui sont de l’autre côté du mur.

Il faut savoir qu’arriver à l’aérogare de Kaboul, c’est passer des filtres successifs. C’est plus facile si vous avez un statut de VIP et vous êtes escorté par l’armée, ce qui a été le cas des Français. À ce jour, 100.000 personnes sont sorties d’Afghanistan. C’est sans précédent. Quand on dit que c’est le chaos à l’aéroport de Kaboul, c’est un avion de réfugiés qui décolle toutes les 35 minutes. Hier, malgré les attentats, 16.000 personnes sont parties sur 40 vols. Il faut savoir que dans cet aéroport il n’y a pas d’eau, pas de toilettes, pas de carburant, il n’y a l’électricité que ponctuellement…", a expliqué Bruno Delamotte.

"Les convois qui vont chercher des gens en ville sont soumis au bon vouloir des Talibans"

"Plus le temps passe, plus la tension monte, dans tout processus d’évacuation. Vous avez un phénomène de fatigue, vous avez des phénomènes de résistance. On est dans une situation où l’État n’existe pas, les forces de sécurité sont dans un périmètre clos et, en plus, des ennemis intérieurs.

J’ai personnellement évacué des gens de Lybie pour des groupes français. À l’arrivée de Tripoli vous aviez 10.000 personnes devant l’aéroport, un aéroport vide et 50 avions sur la piste attendant qu’on leur ramène des gens. Il fallait les chercher un par un comme ça se fait aujourd’hui. En plus, les convois qui vont chercher des gens en ville sont soumis au bon vouloir des Talibans, qui les laissent rentrer en ville ou pas, qui les laissent rentrer dans l’aéroport ou pas, qui peuvent les bloquer pendant des heures dans des checkpoints. Ils ont dit que le 31 août 2021 ce serait fini, ils feront tomber le couperet, et il n’y aura plus de convois", a poursuivi Bruno Delamotte.

"Plus l’évacuation va durer, plus le risque terroriste sera accentué"

Cet attentat, constitue-t-il une humiliation pour les Américains ? "Ça aurait été une humiliation pour les Américains si ça avait eu lieu dans le périmètre de contrôle des Américains. Ça a eu lieu à la limite du périmètre. Cela montre que les Talibans ne tiennent rien à l’extérieur de l’aéroport. Ils viennent de prendre le contrôle d’une ville où les forces de police et de sécurité ont disparu, car elles ont peur des représailles des Talibans. Vous avez une foule d’inconnus qui veulent partir, dans laquelle il est extrêmement facile pour un kamikaze de se glisser et de se faire sauter près d’un checkpoint. Demain ça pourrait être une voiture piégée.

Les forces spéciales qui sont dans l’aéroport craignent cela depuis le début. Ils savent que plus ce processus va durer, plus ce risque sera accentué. Et le risque majeur, ce n’est pas de voir un gars de se faire sauter comme hier, mais un tir de missile sur un avion qui décolle. Aujourd’hui Kaboul est dans une cuvette, il est extrêmement simple d’abattre, depuis un bâtiment aux alentours, un avion qui se pose ou qui décolle."

"Les Talibans ont trop besoin de l’aide internationale"

Quelle va être la stratégie des Talibans dans les semaines et mois à venir ? "Le régime corrompu d’Ashraf Ghani était dans une situation où on lui demandait de lutter contre le pouvoir taliban, qu’on avait de facto reconnu comme pouvant gérer le pays du fait des accords de Doha, et avec lequel les puissances mondiales vont, dans les prochains mois, discuter. Je ne pense pas que les Talibans se referment, ils ont trop besoin de l’aide internationale. Ils ne veulent pas commettre à nouveau leurs erreurs de 1996 à 2001.

L’aide militaire et le conflit coûtaient 50 milliards de dollars par an à la communauté internationale. Pour un pays dont le PIB est de 14 milliards de dollars. Ils ont conquis un pays avec de l’argent, du pavot et un peu de matériel chinois. Ils ne peuvent pas vivre avec ça, sans l’aide internationale, sans l’aide de la Banque mondiale, sans récupération des fonds de la Banque centrale afghane, qui sont désormais hors du pays. C’est pour ça qu’ils ne sont pas forts aujourd’hui. Et ils ont un ennemi intérieur, qui est l’État islamique au Khorasan, ils sont obligés de composer. C’est pour ça que le patron de la CIA a discuté avec eux, c’est pour ça que le président de la République a dit qu’on ne ferme pas notre ambassade, on la délocalise pour le moment, comme on l’avait fait pour notre ambassade au Yémen et certaines de nos ambassades africaines à un moment donné, pour garder le contact", a déclaré Bruno Delamotte.

 

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