Le congé menstruel soit l’arrêt de travail pour une femme ayant ses règles est une proposition souvent discutée. Voici ma position sur le sujet.
Pour le congrès GENESIS de gynécologie organisé par mon ami et invité récurrent, le gynécologue Christian JAMIN, j’ai accepté de faire cette conférence sur le congé menstruel.
Cette proposition semble humainement évidente. J’espère qu’aucun homme aujourd’hui se permettrait de dire que cette loi serait une mauvaise loi… Pourtant, en tant que femme, je trouve que c’est une fausse bonne idée pour deux raisons.
La discrimination à l’embauche, un des risques du congé menstruel
La première raison est d’ordre sociétal. De nombreuses réticences conscientes ou inconscientes poussent à ne pas embaucher des femmes qui ont moins de 35 ans et certains recruteurs posent encore des questions du type : « Vous avez des enfants ? », « Est-ce que vous en désirez ? »… Tant ils craignent les arrêts de travail.
Or, les règles concernent toutes les femmes jusqu’à environ 50 ans, ce qui risque d’augmenter cette discrimination à l’embauche des femmes. En raison de 5 jours par mois, de 20 à 50 ans, cela pourrait faire 1800 jours d’arrêts de travail, ce qui correspond à plus de 10 ans. Avouez que ça fait réfléchir. Méfions-nous toujours des conséquences d’une loi qui a priori semblerait bonne.
Notre cycle est une force, honorons-le !
D’autres raisons plus complexes, mais pour moi encore plus importantes, me poussent à questionner cette proposition de congé menstruel.
Les règles font partie de la vie des femmes, ce projet de loi irait encore dans le sens de la victimisation de celles-ci. Non, ce n’est pas une maladie d’avoir ses règles, nous ne sommes pas indisposées au travail. Nous ne sommes pas des êtres fragiles ayant besoin d’être surprotégées.
Chaque cycle permet à chaque femme de mieux comprendre qui elle est. Le corps et l’esprit sont intimement liés. Ce nettoyage remet les compteurs à zéro et initie une nouvelle étape. Ce sang menstruel doit être honoré. Je le vois comme une sorte d’expérience de douleur archaïque qui nous relie au grand tout féminin. Symbole de notre puissance. Ce liquide qui coule va passer par toutes les teintes, du rouge vif en passant par un roux puis un brun sombre. Oui notre corps se transforme et renaît tous les mois.
C’est tellement fort que l’on constate, lorsque des femmes sont ensemble, qu’elles finissent par être réglées au même moment. Nous sommes là dans quelque chose de sacré. Les règles ont fasciné nos ancêtres et restent encore un sujet fascinant puisque très souvent totalement tabou.
Ce qui n’empêche pas que les règles sont une épreuve complexe pour nous les femmes et chacune a des ressentis différents.
Il y a celles qui les honorent. Comme les femmes des peuples autochtones des Etats-Unis, pour qui les règles sont le symbole du pouvoir féminin.
D’ailleurs mon expérience m’a prouvé que les femmes bien avec leur corps voient leurs règles d’un oeil plus bienveillant. J’ai pu le constater avec certains actrices de X de ma génération mais aussi avec les danseuses, les sportives et bien sûr les femmes qui ont une sexualité épanouie et qui n’hésitent pas à faire l’amour durant leurs règles.
Et puis il y a toutes celles qui voudraient ne plus avoir de règles. Celles qui considèrent d’ailleurs que c’est injuste d’avoir ses règles. Ce sont ces femmes qui, bien souvent, vivent ensuite mal leur ménopause ou qui souffrent dans leur sexualité.
Cette loi aura, selon moi, un effet nocebo tandis que valoriser les règles a un effet placebo.
Alors vous professionnels de santé, votre manière d’aborder le sujet avec les femmes est essentiel. Accueillez-les avec bienveillance puis, montrez-leur leur puissance féminine. Ecoutez-les quand elles disent qu’elles ont trop mal et cherchez les causes de cette douleur. Car on ne le dira jamais assez : avoir mal à se plier en quatre, ne pas pouvoir bouger, tomber dans les pommes, ce n’est pas « normal ». L’endométriose est l’une des première cause d’errance médicale chez les femmes. C’est cela, le réel enjeu pour moi.
Car cette loi irait à nouveau dans le sens que les femmes qui ont leurs règles sont impures et autres balivernes. Il n’y a rien de négatif ou de maléfique dans les règles.
Depuis la nuit des temps, les femmes ont leurs règles et la manière de les gérer parle de notre relation au féminin. Cette loi mettrait dans la tête des femmes que notre corps est fragile. Et pire encore le message serait le suivant :
En tant que femme, vous devez rester au foyer, vous êtes inapte à travailler.
Je suis persuadée que cette loi va à l’encontre de la liberté des femmes. Se poser en petit être fragile, qui a mal, voudrait rappeler que nous sommes le sexe faible. Non les femmes sont puissantes, elles sont aptes à faire des enfants et donc à avoir leurs règles.
Donnez plutôt un arrêt de travail en cas de douleurs extrêmes mais n’en faisons pas une règle justement.