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Richard Volange : "On n’a pas su contrôler les chefs d'État africains"

Par Jean Baptiste Giraud

Richard Volange, ancien espion à la DGSE et auteur de “Espion. 44 ans à la DGSE” (Talent Éditions), était l'invité d’André Bercoff sur Sud Radio le jeudi 7 septembre 2023 dans "Bercoff dans tous ses états".

Richard Volange
Richard Volange, invité d’André Bercoff dans "Bercoff dans tous ses états” sur Sud Radio.

Selon Richard Volange, il y a aujourd'hui en Afrique une déception vis-à-vis de l'Occident et de la France en particulier. Les tentatives de la France de contrôler ces pays ont échoué.

 

Richard Volange : "L’espionnage, c’est un travail qui se joue sur le temps long"

Espion, est-ce un métier "normal" ? Si l’on se fie aux apparences, oui. "Vous pouvez imaginer quelqu’un de normal : un journaliste ou un homme d’affaires qui a des rendez-vous qui ne vont pas forcément être médiatisés. Donc, il y a toujours une part d’inconnu, de discrétion. D’une part parce qu’il faut protéger ses sources, d’autre part parce qu’il ne faut pas se faire repérer.

C’est un métier tellement discret qu’à aucun moment les succès que vous allez engranger ne vont être étalés. C’est un travail qui se joue sur le temps long, à travers le recrutement de sources, à travers le renseignement plus ou moins inédit… tout ce qui va concourir à informer les plus hautes autorités de l’État", a expliqué Richard Volange.

 

"Beaucoup de chefs d’État africains étaient membres de loges maçonniques"

Dans son livre, Richard Volange parle de Françafrique. En quoi consistait ce concept ? "La Françafrique, telle qu’elle avait été conçue à travers les outils politiques et économiques, était un moyen de conserver le contrôle sur nos anciennes colonies à travers la fourniture de protection militaire. Après, pour certains pays qui disposaient de matières premières importantes, il s’agissait de pouvoir contrôler ces activités et avoir une forme d’exclusivité. Au Niger, par exemple, nous étions les seuls à exploiter l’uranium. Et en échange, on achetait cet uranium un peu au-dessus du cours mondial. La Françafrique, c’étaient aussi des soutiens politiques qui se jouaient par des réseaux de Francs-maçons. Beaucoup de chefs d’État africains étaient en effet membres de loges. Et puis il y avait la garantie d’une économie stable, grâce au franc CFA. Ces chefs d’État jouissaient donc d’un certain nombre de privilèges, mais on n’a pas su les contrôler, je pense aux régimes autoritaires, on a vu comment ça a pu se terminer vis-à-vis des populations."

 


Peut-on dire que la Françafrique était la continuation du colonialisme ? "L’idée était de créer une fédération d’États, un peu les « États Unis d’Afrique », sur le modèle du Commonwealth. On peut cataloguer ça comme du néo-colonialisme, mais c’était ça. Ces futurs chefs d’État étaient députés de l’Union française et siégeaient à l’Assemblée nationale. Ils sont ensuite devenus présidents de leurs propres pays. Vous voyez déjà comment se dessinait ce rapport. Cela permettait à la France de disposer d’un rang à travers les votes à l’ONU, le contrôle d’organisations internationales et sous-régionales", a expliqué Richard Volange.

"Les pays africains ne sont pas vraiment des nations"

Pour comprendre l’Afrique, il faut tout d’abord comprendre la composition ethnique. "La première chose qu’on apprenait en Afrique, c’est la carte ethnique. Les pays africains ne sont pas vraiment des nations, ce sont les colonisateurs qui ont tracé les frontières à l’arrache. Donc, on a séparé culturellement les anciens royaumes, empires, tout ce que vous voulez. Vous le voyez aujourd’hui : pourquoi le Nigéria ne veut pas intervenir au Niger ? Parce que vous avez les mêmes communautés. Donc, culturellement c’est invivable", a expliqué Richard Volange.

Pourquoi la France a-t-elle perdu le pouvoir qu’elle avait en Afrique avant ? "C’est quelque chose qui s’est accéléré avec la jeune génération africaine. C’est un continent très jeune, qui de plus en plus a accès aux informations, aux médias. Le fonctionnement de ces jeunes générations africaines a modifié profondément leur vision de la France, des Occidentaux. Il était donc facile de nous rejeter sur la base du dysfonctionnement du dispositif de l’aide au développement, par exemple. Pas de stratégie, pas de cible, rien… Les jeunes générations ont été extrêmement déçues. Les choses se sont accélérées, et dans plusieurs pays, on assiste au retour au pouvoir de militaires, qui sont les seuls garants de la véritable indépendance du pays", a raconté Richard Volange.

 

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