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Régis Le Sommier : "Accompagner l'histoire les pieds dans la boue"

Régis Le Sommier, grand reporter, auteur de "La vérité du terrain - Récit d’un reporter de guerre", dans la collection Bouquins, était l’invité de “Bercoff dans tous ses états".

Régis Le Sommier
Régis Le Sommier, invité d’André Bercoff dans "Bercoff dans tous ses états” sur Sud Radio.

"Les bombardements, ça peut vous rendre fou", juge Régis Le Sommier. "J’ai le souvenir de septembre 2016, à Alep, en Syrie, où, à l’époque, l’aviation russe et celle des Syriens pilonnaient les quartiers Est. Ceux-ci envoyaient en même temps des missiles sur la partie ouest de la ville, où nous étions. Nous n’étions pas très loin d’une ligne de front. Ce que nous voyons aujourd’hui me rappelle justement mes premières nuits passées dans cet hôtel, qui n’existe plus. C’était une barre d’immeuble, très mal protégée. Elle s’est pris un projectile. On s’est rendu compte qu’à notre étage, une partie des chambres avait disparu. L'hôtel avait été éventré par ce projectile", raconte le reporter de guerre.

"Cela vous glace totalement, c’est-à-dire que vous en attendez un autre. Le problème, c’est que les avions, on les entends arriver et on les anticipe. On sait que ça va être une détonation ou quelque chose d’extrêmement puissant", raconte le journaliste au micro de Sud Radio. "On anticipe et on ne peut pas dormir. Il y aussi, ce que les Russes et les Américains utilisaient, des bunker buster bombs. Ce sont des bombes qui vont exploser puis, qui vont forer pour fouiller le sol pour ensuite re-exploser".

 

Régis Le Sommier : "Au niveau de l’organisme, ça provoque un espèce d’instinct de survie décuplé"

"Je me souviens aussi des bombardements très proches quand j’étais avec la Golden Division, à Mossoul, pendant la reconquête de la partie Ouest. Là par contre, on était en première ligne avec les forces spéciales irakiennes. Il y avait des RPG, des mortiers, des kalashnikovs, tout type d’armement qui était utilisé. L’aviation frappait parfois des premières lignes de l’État Islamique qui étaient très proches de nous. On prenait les projections et on était obligé de partir en courant pour se protéger", détaille Régis Le Sommier.

"Ces moments-là, quand on les voit à la télévision, on ne les revit pas du tout de la même façon. Quand vous les vivez, quand vous entendez des tirs, ça vous électrise", explique-t-il. "Ce qui est extraordinaire, c’est qu’au niveau de l’organisme, ça provoque une espèce d’instinct de survie décuplé, alors que la mort est à côté. C’est une adrénaline assez stupéfiante", juge l’auteur de La vérité du terrain - Récit d’un reporter de guerre.

 

"Il y a quelque chose de structurant dans la peur"

"Je pense que si l’on n’a pas peur, il faut arrêter ce métier", juge Régis Le Sommier. "Cela veut dire que l’on a développé un syndrome morbide d’aimer ce genre de situation. Et justement, je trouve que la peur structure. La peur permet justement d’avoir, parfois, les bons réflexes et de savoir quand dire non et comment se comporter. Il y a quelque chose de structurant dans la peur. Ce n’est pas la panique, c’est une peur qui organise", explique le journaliste.

"D’un autre côté, il y a aussi beaucoup de moments où l’on se met à risque. On sait que l’on est à risque et l’on s’en aperçoit après. On ne s’en aperçoit pas sur le coup, on est dans une espèce d’extrême confiance en nous. En plus, on est galvanisé pour raconter une histoire. Nous sommes là pour accompagner l’histoire les pieds dans la boue. Il y a ce sentiment de fragilité parce qu'on est un petit homme, on a nos gilets pare-balles, notre casque, mais on sait très bien que si l’on prend un obus de mortier ou quelque chose comme ça, cela ne servira pas à grand-chose. On n'est pas protégés en fait. On y va les pieds dans la boue", raconte le reporter de guerre.

 

Cliquez ici pour écouter l’invité d’André Bercoff dans son intégralité en podcast.

Retrouvez “Le face à face” d’André Bercoff chaque jour à 12h dans Bercoff dans tous ses états Sud Radio.

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