Marion Saint-Michel est auteure du livre La gouvernance perverse (Éditions Résurgence).
Marion Saint-Michel : "Toutes les caractéristiques de la perversion se sont révélées pendant la crise du Covid-19"
Pour commencer, d'où vient le mot "perversion" ? "Il faut toujours partir du latin : ça vient de pervertere, c'est-à-dire retourner en son contraire, retourner comme un gant. Alors, qu'est-ce qu'on retourne comme un gant? Ça dépend de ce qu'on veut faire. On retourne l'esprit des gens, on retourne la situation de manière à faire profiter, à guider les personnes dans une certaine direction, alors qu'en général on a affiché le contraire. Et ça, nous l'avons beaucoup vu pendant la crise [du Covid-19]. On a affiché par exemple le désir de protéger les personnes âgées du Covid, et malheureusement, on les a tellement isolés qu'on ne les a pas protégés, malheureusement on les a fait mourir de chagrin et d'isolement. Et ça, malheureusement, nous l'avons beaucoup depuis quelques années dans nos systèmes de gouvernance, pas seulement en France bien entendu. Mais des objectifs sont affichés, et on se rend compte au bout d'un certain temps que c'est tout à fait le contraire qui est poursuivi", a expliqué Marion Saint-Michel.
Comment la perversion est-elle devenue le système du gouvernement ? Au nom du bien, on fait le mal, au nom de la vertu on ment… "Exactement. Chaque gouvernement préfère une population soumise et obéissante, 'on sait mieux ce qui est mieux pour vous'. Vous me direz que ce n'est pas nécessairement très nouveau en politique, ça a toujours un petit peu existé. Mais là, nous avons quand même eu la révélation que ça prenait un tour systémique. Les mises en pratique de la perversion étaient à peu près toutes présentes. L'ostracisation, par exemple, des gens qui n'étaient pas d'accord, l'inversion accusatoire, c'est-à-dire accuser l'autre de ce qu'on est soi-même en train de mettre en place. Toutes les caractéristiques de la perversion se sont révélées pendant cette crise. Et malheureusement aussi, les effets sur la population", a estimé Marion Saint-Michel.
"L'ingénierie sociale joue sur la peur et l'empathie, parce que ce sont les deux émotions les plus fondamentales"
Marion Saint-Michel fait ensuite référence au livre d'Edward Bernays Propaganda, publié en 1928. "Bernays était par ailleurs le neveu de Freud, et il s'est sans doute inspiré du travail de Freud, mais pour le détourner là aussi et se disant : 'En démocratie, l'intérêt, ce serait de pouvoir obtenir le consentement des gens, mais par la douceur'. Et le meilleur consentement que vous pouvez avoir par la douceur, c'est que les personnes soient elles-mêmes convaincues d'aller dans la direction où vous voulez les emmener. Donc, ça a été la première conceptualisation de ce qu'on a appelé ensuite 'l'ingénierie sociale'.
Et l'ingénierie sociale, c'est ça : c'est vous conduire tout doucement, la fabrique du consentement, c'est exactement comme ça qu'était sous-titré le livre de Bernays, qui s'appelait par ailleurs Propaganda. La fabrique du consentement, c'est utiliser tout un tas de moyens, jouer sur les émotions des gens, principalement sur la peur et sur l'empathie, parce que ce sont les deux émotions qui se manipulent le plus et qui sont aussi les plus fondamentales. En plus, il est assez difficile de voir ces deux émotions en soi-même. On n'a jamais tellement le sentiment qu'on est dirigé par la peur, même quand on l'est."
Cliquez ici pour écouter l’invité d’André Bercoff dans son intégralité en podcast.
Retrouvez “Le face à face” d’André Bercoff chaque jour à 13h dans Bercoff dans tous ses états Sud Radio.
Toutes les fréquences de Sud Radio sont ici !