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"Physiquement, Marine Le Pen est sommée d'être une femme politique"

Qu'est-ce que la psychanalyse nous permet d'en apprendre sur Marine Le Pen ? Pour en parler, les psychanalystes Joseph Agostini et Gianpaolo Furgiuele étaient les invités d’André Bercoff le lundi 26 mai 2025 sur Sud Radio.

Joseph Agostini et Gianpaolo Furgiuele, sur Marine Le Pen
Joseph Agostini et Gianpaolo Furgiuele, invités d’André Bercoff dans "Bercoff dans tous ses états” sur Sud Radio.

Joseph Agostini est auteur du livre Marine Le Pen sur le divan - au nom du père (Éditions Dunod), et Gianpaolo Furgiuele est auteur du livre Jean-Luc Mélenchon sur le divan - la provocation comme stratégie (Éditions Dunod).

Gianpaolo Furgiuele : "En France, la psychanalyse relève plus des sciences humaines que de la médecine"

Faire la psychanalyse d'une personnalité politique qu'on n'a jamais rencontrée, est-ce une chose valable ? "Vous avez la psychanalyse au même niveau que les autres disciplines, je pense qu'elle a le droit aussi de se pencher sur la vie politique, sur l'inconscient politique qui est dans les personnages qui sont sur scène depuis des années. Vous avez fait référence à la règle Goldwater aux États-Unis, c'est la règle en vertu de laquelle, si vous êtes psychiatre ou psychanalyste, si vous n'avez pas rencontré la personne, vous ne pouvez pas donner votre analyse. En France, ce n'est pas le cas. Heureusement, en France, la psychanalyse relève plus des sciences humaines que de la médecine, on reste fidèle aux sources. On assume pleinement le choix de la psychanalyse pour analyser, interpréter et fournir une grille d'interprétation comme outil indifféremment des autres disciplines", a répondu Gianpaolo Furgiuele.

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"Effectivement, ce n'est surtout pas la psychanalyse de Marine Le Pen, parce que je l'ai jamais rencontrée, et je n'ai pas du tout cette prétention à être son psychanalyste. En revanche, je pars du principe qu'aujourd'hui, à l'heure où on ne se pose pas les vraies questions sur ce qu'est véritablement la politique, sur ce qu'est la vie, la mort, le sexe.. on a besoin d'en passer par l'inconscient, on a besoin de passer par les outils freudiens ô combien contemporains pour se saisir d'une autre manière de voir les choses. Parce que c'est tellement le degré zéro de la réflexion, certaines fois, ce qu'on entend à la radio, à la télévision, qu'on a besoin d'être en contact avec les forces primitives de l'humain. Et c'est ça, la psychanalyse : c'est l'association libre, c'est l'inconscient. Je crois être plus proche de la vérité humaine", a pour sa part fait savoir Joseph Agostini.

Joseph Agostini : "Au fond, Marine Le Pen n'est pas dans son désir véritable"

Pourqoi s'être penché sur Marine Le Pen en particulier ? "J'avais l'impression qu'elle était faite pour être analysée. Toutes les vies sont plus ou moins mythologiques, quand on les scrute. Mais certaines le sont plus que d'autres. Il y a un rapport au père si puissant, il y a une inculcation culturelle dès le départ… Elle est comme façonnée par l'idéal parental dès le départ, dès son baptême en 1968. Il y a une sorte d'impossibilité d'en découdre avec son destin de femme politique", a répondu Joseph Agostini.

Comme le raconte Joseph Agostini, la vie de Marine Le Pen est marquée par une entrave. "J'ai vraiment le sentiment d'une entrave. Marine Le Pen n'a jamais été véritablement dans son désir, du moins à partir de tout le matériau que j'ai lu. Il y a cette idée persistante qu'à chaque fois, elle est invalidée dans son désir personnel. Comme vous le dites, elle est épinglée déjà au signifiant 'fille de facho' à cinq ans et demi. Il y a quand même cette idée que toute suite, on la range sur une armoire, assignée à résidence. Et cela, tout au long de sa vie, parce que ça dure, cette histoire. Elle devient avocate : elle ne peut pas faire son métier parce que c'est une Le Pen, elle n'a pas de clients. Elle va travailler à un moment donné au cabinet juridique du Front national. Elle veut devenir photographe, et elle est comme ramenée dans un contre-flot. Elle raconte qu'elle ne peut pas, elle ne s'autorise pas à faire un pas de côté. Et l'ironie du sort, c'est qu'au fond, elle a le charisme. Il y a une sorte d'identité profondément médiatique chez elle. Il y a cette manière de parler, cette voix, cette blondeur, cette présence… qui fait qu'elle est là aussi, physiquement, sommée d'être une femme politique. Elle ne peut pas s'en sortir. Moi, je crois qu'elle avait envie de plaire au père. Elle avait envie de montrer quelque chose de cet ordre-là. Mais je pense que son désir profond n'était pas là. Et c'est ce qui explique aussi cette impossible dédiabolisation, cette impossible retrouvaille avec le père. Il n'y a pas eu de retrouvaille. Et c'est ça qui est bien : au fond, elle n'est pas dans son désir véritable. La psychanalyse l'atteste : quand on est dans son désir, on réussit quelque chose, et ça se voit, il y a quelque chose qui se sent, il y a une forme de continuité, de cohérence dans la vie de la personne, on suit un fil rouge. Chez Marine Le Pen, il n'y a pas de fil rouge. C'est cabossé, c'est toujours scandé par des manoeuvres, des idées, des stratégies… mais on ne peut pas suivre. Il n'y a pas quelque chose qui vient donner une continuité à son destin de femme politique."

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