Clément, 15 ans, venait tout juste d’entrer en classe de seconde lorsqu’il s’est suicidé en septembre 2024. Usé par un harcèlement constant sur les réseaux sociaux, il décide de se jeter d’un pont dans une rivière entre le Finistère et le Morbihan, la semaine de la rentrée scolaire. Plus d’un an plus tard, sa mère, Emmanuelle, confie son combat au micro de Sud Radio.
Les réseaux sociaux étaient pourtant interdits
Un combat moral et judiciaire contre les réseaux sociaux, pour que « l’impunité » des plateformes cesse. En effet, elle accuse ces plateformes d’avoir failli à leurs obligations, et d’avoir encourager le suicide de son fils. La douleur est d’autant plus brutale que la famille n’avait « rien perçu » de la détresse de l’adolescent, confie Emmanuelle Pouédras. Elle rappelle pourtant un cadre éducatif strict. « Le soir, les téléphones étaient en bas, pas dans les chambres », et les réseaux sociaux étaient interdits à ses enfants.
« J’ai découvert moi-même ce que les gendarmes auraient pu découvrir »
Mais à la sidération du drame s’ajoute très vite l’incompréhension face à la réaction des autorités. « Quand notre fils s’est donné la mort, il n’y a pas eu d’enquête », raconte cette mère, « très, très étonnée », estimant que des vérifications élémentaires n’ont pas été réalisées. Faute d’investigations approfondies, Emmanuelle Pouédras entreprend alors ses propres recherches. « J’ai découvert moi-même ce que les gendarmes auraient pu découvrir s’ils avaient cherché », constate-t-elle.
C’est ainsi qu’elle apprend que son fils était présent sur plusieurs réseaux sociaux (TikTok et WhatsApp) et qu’il y subissait des humiliations. Elle évoque notamment « du cyberharcèlement à travers WhatsApp, sur un groupe constitué avec les camarades ». Parmi les messages retrouvés peu avant le suicide : « T’as fini ton suicide de merde ? ».
Emmanuelle Pouédras, mère de Clément, qui s'est suicidé en septembre 2024 : "On va monter une action collective contre les réseaux sociaux, ça suffit l'impunité !" #LaVéritéEnFace
— Sud Radio (@SudRadio) December 16, 2025
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TikTok : « un algorithme criminel »
Au-delà de ces messages ahurissants, les découvertes concernant TikTok « sidèrent » la mère de famille. Elle explique que des vidéos, suggérées par la plateforme, montrent « un visuel du haut d’un pont, à la tombée de la nuit », accompagnées d’un texte : « Tu as rempli le vide dans la vie des gens, c’est quand tu ne seras plus là qu’ils verront l’importance que tu as ».
Pour Emmanuelle Pouédras, il ne s’agit pas d’un simple dysfonctionnement. Elle parle d’« un algorithme criminel » et s’interroge. « Comment les gens qui travaillent pour ces entreprises peuvent aujourd’hui se regarder en face en sachant qu’il y a des enfants aliénés, des personnes fragiles qui sont enfermées dans le système ? ».
« Ils n’ont pas respecté la loi »
Après le décès de Clément, la famille tente d’obtenir des informations auprès des plateformes. En vain. « Aucun des réseaux sociaux n’a aidé », déplore-t-elle. Elle affirme qu’ils « n’ont pas respecté la loi qui est de donner accès aux données » et décrit une attitude « extrêmement méprisante » à l’égard des parents endeuillés. « Il y a des règles très claires, mais aujourd’hui, les enfants peuvent créer des comptes parce que les réseaux sociaux ne vérifient pas l’âge ». Selon elle, « la responsabilité, elle est sur les réseaux. C’est à eux de faire respecter les règles ».
« Ça suffit l’impunité ! »
Le 19 septembre, Emmanuelle Pouédras et son mari ont donc déposé plainte au parquet de Quimper pour provocation au suicide, mise en danger de la vie d’autrui, complicité de cyberharcèlement et non-assistance à personne en danger. « On a porté plainte parce que ça suffit, l’impunité », affirme-t-elle.
Désormais, elle entend aller plus loin et annonce vouloir lancer une action collective, après avoir pou échanger récemment sur le sujet avec le Chef de l'Etat, Emmanuel Macron, particulièrement sensibilisé aux dérives des réseaux sociaux. « Il y a des dizaines de familles. On va monter une action collective contre les réseaux sociaux, car c’est tous ensemble que nous réussirons à faire respecter la règle ».