Il était le dernier survivant de l'expédition qui a mené pour la première fois l'homme au sommet de l'Everest en 1953. Héros célébré par toute la profession, le Népalais Kanchha Sherpa est décédé jeudi à l'âge de 92 ans.
Son voyage vers la notoriété a débuté quand, adolescent, il a fui son village de Namche Bazar, aujourd'hui le plus grand pôle touristique sur la route du camp de base de l'Everest, et rejoint les montagnes de Darjeeling.
Le jeune homme de 19 ans retrouve dans la ville indienne, à l'époque point de départ des expéditions himalayennes, son compatriote Tenzing Norgay Sherpa, qui l'emploie comme homme à tout faire.
Quelques mois plus tard, il le retrouve au Népal, enrôlé dans l'expédition emmenée par le Néo-Zélandais Edmund Hillary en échange de quelques roupies (quelques centimes d'euros).
Réunis à Katmandou, les grimpeurs gagnent le camp de base au prix de plusieurs jours de marche, faute de route praticable ou de liaison aérienne. Aujourd'hui, les alpinistes suivent un itinéraire tout tracé par des guides népalais.

Photo prise le 28 mai 2023 à Solukhumbu au Népal, de Kanchha Sherpa, âgé de 90 ans, le dernier survivant de l'expédition dirigée par les alpinistes Edmund Hillary et Tenzing Norgay Sherpa, les premiers à avoir conquis la plus haute montagne du monde, l'Everest, en 1953
ROBIC UPADHAYAY - AFP
Sans avoir jamais été entraîné à l'alpinisme, Kanchha Sherpa est monté à plus de 8.000 m d'altitude sur l'Everest.
Lors d'un échange il y a deux ans avec l'AFP, le nonagénaire, fatigué, s'est dit "le plus heureux (des hommes), quand Tenzing et Hillary ont atteint le sommet", a-t-il affirmé, cité par son petit-fils Tenzing Chogyal Sherpa.
Avec des vêtements trop grands pour eux, le dos chargé des tentes, du matériel et des vivres, les sherpas népalais grimpaient alors les pentes de la montagne en chantant, s'était-il souvenu.
- "Gagner sa vie" -
Sept décennies plus tard, des centaines de personnes atteignent chaque année le sommet de l'Everest (8.849 m) et des milliers d'autres voyagent au Népal pour admirer les sites himalayens.
L'industrie de l'alpinisme, pesant aujourd'hui plusieurs millions de dollars, repose sur l'expérience des "sherpas", qui paient chaque année un lourd tribut pour accompagner des centaines d'alpinistes au sommet. Un tiers des morts dans l'Everest sont des grimpeurs népalais.
"Tenzing et Hillary nous ont ouvert les yeux et rendu le développement possible ici", avait déclaré Kanchha Sherpa à la chaîne locale YOHO TV en 2019, "la vie était très dure avant. Il n'y avait aucun moyen de gagner sa vie".
Témoin direct de la transformation de la région de l'Everest, Kanchha Sherpa a continué ses ascensions pendant deux décennies, jusqu'à ce que sa femme lui demande d'arrêter ses dangereux périples.
L'éducation des enfants sherpas est le bénéfice le plus significatif, a souligné l'ancien alpiniste. "Ils ont désormais la possibilité d'étudier et peuvent devenir ce qu'ils veulent, médecin, ingénieur ou scientifique comme mon petit-fils", avait-il poursuivi.
"Je n'aurais jamais imaginé qu'une telle chose soit possible de mon temps", avait ajouté le montagnard.
Après avoir quitté les sommets, Kanchha Sherpa a créé une fondation à son nom, dédiée à l'aide aux familles qui n'ont pas les moyens d'envoyer leurs enfants à l'école.
Pendant ses derniers jours, il redoutait que "la jeunesse soit influencée par la culture occidentale et oublie lentement la culture et la langue sherpa".
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