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Suicides de policiers : "C'est trop facile de désigner l'État comme seul coupable"

Un septième policier s'est suicidé depuis début 2022. Élisabeth Lévy dresse un bilan et tente d'expliquer les raisons de ce mal-être.

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"On aimerait entendre plus ceux qui sont fiers et soutiennent la police et la gendarmerie", confie Aurélie Laroussie. (Bertrand Guay / AFP)

Sept suicides de policiers ont été recensés depuis début janvier dont deux dans la même journée mardi. Mais à qui la faute ? Élisabeth Lévy nous donne sa réponse.

"D’abord, il faut se garder de faire entrer ces morts dans un scénario préétabli comme pour les "féminicides". Ce sont des tragédies singulières, intimes. Nous ne les connaissions pas. Le respect, c’est d’admettre qu’il y a un mystère qui ne nous regarde pas. Souvent c'est un événement familial ou professionnel. Mais cela ne suffit pas à tout expliquer. Sinon, il y aurait des millions de suicides".

"Il y en a eu 59 en 2019, 35 en 2021 et là, déjà 7. Donc on voit une accélération significative. Ce n'est pas massif puisqu'on dénombre 150.000 policiers mais suffisamment pour dessiner un phénomène".

"Ce qui est massif, c’est le malaise, les dépressions, le désenchantement, l’interrogation sur le sens du métier, les conditions de travail misérables, les horaires de dingues, les problèmes familiaux. Sans oublier le danger". 

Donc, le premier responsable de ces suicides de policiers c’est l’Etat ? 

"C’est le premier réflexe : dire que c'est la faute au gouvernement. L'État a évidemment sa part de responsabilité à cause de la lourdeur administrative. Dans la fonction publique on se heurte à des règles absurdes, illisibles et une gestion des gens lointaine, bureaucratique, parfois inhumaine. C'est ce que j'appelle l'effet mammouth. Les flics font de la paperasse absurde avec du matériel hors d’âge". 

"Cependant, c'est trop facile de désigner l'État comme seul coupable. Dans les administrations qui ne sont pas au contact du public, il n'y a pas le même phénomène. En revanche, le phénomène est comparable à l’Éducation Nationale. La première source du malaise policier, c’est le regard de la société, le déclassement symbolique. Les sondages montrent qu’ils sont populaires, mais on ne peut pas boire un café avec un sondage". 

"Dans la vraie vie, les agressions sont quotidiennes, les insultes, les guet-apens, voire les lynchages ou les tentatives de meurtre. Il y a une déshumanisation. Ils ne font plus peur, c’est eux qui ont peur. Pour eux et surtout pour leur famille. Ils demandent à leurs gosses de cacher leur métier, l'image de soi est dégradée. Le policier incarne la force et se découvre vulnérable". 

"Or, ce sont eux qu’on accuse d’être violents. Certains politiques, médias et d’innombrables belles âmes ont fait de la dénonciation des violences policières leur fonds de commerce. Même le Président de la République. Les forces de l'ordre détiennent le monopole de l’exercice légitime de la force et dès qu’ils en font usage on les soupçonne". 

"La responsabilité est collective. N’empêche, si j’étais à la place des crétins extrême gauchiste qui, dans les manifs, leur jettent au visage "Suicidez-vous", je dormirais mal". 

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