Il est l'un de ceux par qui le procès peut basculer: avocat de l'anesthésiste Frédéric Péchier, Randall Schwerdorffer est un professionnel respecté, parfois clivant, devenu pénaliste presque par hasard, jusqu'à se convertir en ténor médiatique du barreau.
Après huit ans d'enquête, Frédéric Péchier répond, lors d'un procès de plus de trois mois à Besançon, de 30 cas d'empoisonnement de patients, dont 12 mortels, pour lesquels il clame son innocence.
L'avocat bisontin de 55 ans, passionné d'arts martiaux, aborde comme un combat cette affaire, "le summum de ce qu'on peut gérer en termes de dossier criminel en défense".
"Je considère la cour d'assises comme un dojo. Une audience, on s'imagine parfois que c'est du théâtre, mais c'est surtout beaucoup de travail. Le public ne voit que le produit fini" mais ne s'imagine pas "que vous l'avez travaillé mille fois pour qu'il soit parfait", confie-t-il à l'AFP.
Un procès d'assises, "c'est un affrontement très normé, avec ses règles, ses rituels. Mais une fois que le combat est fini, on se salue et on se respecte. Je considère que je n'ai pas d'ennemis dans une cour d'assises. Seulement des adversaires".
Et au parquet général, qui porte l'accusation contre Frédéric Péchier, "il y a des gens qui sont très compétents, pointus, qui vont se battre. Donc le combat va être très difficile". Mais Me Schwerdorffer ne dévie pas de son objectif: "l'acquittement de Frédéric Péchier".
- "Positions masculinistes" -
C'est un autre dossier criminel, très médiatisé, qui l'a fait connaître du grand public en 2017: le féminicide d'Alexia Daval.
Alors qu'il défendait le meurtrier, Jonathann Daval, il avait pris la liberté de commenter, sur les chaînes d'information, la garde à vue de son client et son passage aux aveux, et avait confié à la mère du mis en cause certains éléments d'une audition.

Randall Schwerdorffer (d), avocat de Jonathann Daval jugé pour le meurtre de sa femme Alexia, répond aux journalistes d de Vesouevant la cour d'assises, le 18 novembre 2020
SEBASTIEN BOZON - AFP/Archives
Des mots qui lui ont valu deux procédures, l'une disciplinaire, devant l'ordre des avocats, l'autre judiciaire, à l'initiative du parquet de Besançon. "Ce n'était pas évident à vivre", confie-t-il, même si les procédures se sont chacune soldées par un non-lieu.
L'affaire Daval lui a également valu des critiques, jusqu'à la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, pour des propos mettant en cause la "personnalité écrasante" de la victime et ses "accès de violence très importants".
"J'ai assez peu de considération pour Me Schwerdorffer, dont je ne conteste pas l'intelligence ni le talent", déclare à l'AFP Edwige Roux-Morizot, ancienne procureure de Besançon.
"Mais je supporte assez mal qu'il sacrifie les droits parfois élémentaires de ses clients sur l'autel de la médiatisation et de son auto-promotion. Ses positions assez masculinistes me dérangent également beaucoup", souligne l'ex-magistrate, aujourd'hui retraitée.
- 20% d'acquittements -
Avec 125 procès d'assises en défense, pour 25 acquittements obtenus (soit 20%, contre 6% en moyenne nationale en première instance), la carrière de ce père de trois enfants ne se résume pas aux affaires Péchier ou Daval.

Frédéric Péchier (d), médecin anesthésiste accusé d'avoir tué 12 patients, arrive au Palais de justice de Besançon avec l'u, de ses avocats, Randall Schwerdorffer, le 8 mars 2023
ARNAUD FINISTRE - AFP/Archives
"C'est une des plus belles voix du barreau français. Et un adversaire coriace", reconnaît son confrère Gilles-Jean Portejoie. "Il n'y a pas de hasard à ce qu'il soit dans des affaires médiatiques: c'est parce qu'il a du talent."
Pour en arriver là, Randall Schwerdorffer a pris des chemins de traverse: les déménagements ont rythmé sa scolarité, au gré des affectations d'un père militaire. C'est à 20 ans qu'il décroche son bac, après deux redoublements. Après cinq ans employé dans le tourisme, il s'inscrit en droit dans l'optique de "mieux gagner (sa) vie".
- Avocat "par hasard" -
Puis il devient avocat "comme ça, par hasard. Sans aucune vocation", après avoir aperçu une affiche sur l'examen d'entrée à l'école d'avocats.
Il se spécialise d'abord en droit du travail. "Au bout de deux ans de barreau, je me suis installé à mon compte et les gens ont commencé à me prendre pour du pénal. Et là, ça m'a passionné".
Parallèlement, Randall Schwerdorffer envisage, un temps, de s'investir en politique. En 2020, il figure en deuxième position sur une liste aux élections municipales à Besançon, éliminée au premier tour.
"Aujourd'hui, je ne suis même plus chez En Marche. Je suis un peu désespéré de la vie politique de notre pays", concède-t-il. "Je ne sais même pas pour qui je voterai à la présidentielle."
Il ne ferme cependant pas la porte à un mandat pour devenir maire. "C'est le poste où on peut avoir le plus d'incidence sur la vie des gens", juge-t-il. Pour l'heure, il se concentre sur l'incidence qu'il aura sur celle de Frédéric Péchier.
Par Antoine POLLEZ / Strasbourg (AFP) / © 2025 AFP