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Procès du "violeur de Tinder": pleurer "du début à la fin, ça ne veut pas dire +non+ ?"

Quand le président de la cour criminelle de Paris appelle Alice (prénom modifié) à la barre, elle se met à pleurer. Sur les bancs des parties civiles, ses voisines posent une main affectueuse sur son bras pour l'encourager. Dans le box, le "violeur de Tinder" relit ses notes.

LOIC VENANCE - AFP/Archives

Quand le président de la cour criminelle de Paris appelle Alice (prénom modifié) à la barre, elle se met à pleurer. Sur les bancs des parties civiles, ses voisines posent une main affectueuse sur son bras pour l'encourager. Dans le box, le "violeur de Tinder" relit ses notes.

En 2014, Alice a 20 ans quand Salim Berrada, photographe, la contacte sur un site de mannequins. Elle a des dettes à rembourser et a déjà fait une vingtaine de shootings. "Il me dit que mes photos sont à chier, que j'attirerai personne", dit-elle.

Elle regarde son travail, aime ses photos, accepte le rendez-vous pour une séance photos lingerie. Sur place elle est surprise. Il est seul, sans coiffeuse ni maquilleuse.

La jeune femme pose en sous-vêtements, sur le canapé. "Il me dit qu'il faut, ça suscite de l'envie". Elle entend le bruit de l'appareil photo qu'on pose, "et en l'espace de quelques secondes il était sur moi".

Il lui tient fermement les poignets au-dessus de la tête, la viole, la déplace, continue. "Il faisait des drôles de bruits, des grognements, moi je tournais la tête et je pleurais".

Elle ne dira rien à personne, même à son conjoint. Puis se rend compte qu'elle est enceinte, sans savoir si "c'est un enfant de l'amour ou d'un viol", dit-elle dans un tremblement de voix.

Quand après neuf mois d'une difficile grossesse, sa fille naît. Elle si "contente" quand "tout le monde me dit qu'elle ressemblait à son papa".

Alice hésite longtemps à porter plainte, même quand elle entend parler d'autres victimes potentielles. "Je ne pensais pas être dans la même catégorie, parce que je me suis laissée faire".

"Certes, vous ne l'avez pas repoussé, certes vous avez laissé faire", lui dit le président Thierry Fusina, mais "est-ce qu'il a pu se rendre compte que vous n'étiez pas consentante ?" Elle acquiesce.

Son avocate, Me Sophie Rey-Gascon, insiste. "Pleurer du début à la fin, ça ne veut pas dire +non+ ?"

Elle acquiesce encore.

- "Mille nuances" -

Après un premier témoignage de victime plus tôt dans la journée, l'accusé Salim Berrada, qui note, compare ses écrits, nie tout et évoque uniquement des relations consenties, a exaspéré la cour, les parties civiles et l'accusation à force de "jouer avec les mots", comme le lui dit le président.

"Avec vous, on fait des ronds dans l'eau monsieur", lui lance l'avocat général Philippe Courroye. Le magistrat reprend le récit que Lucie (prénom modifié) vient de faire à la barre.

Elle posait sur le canapé pour la séance photo et n'avait pas vu Salim Berrada se déshabiller avant qu'il ne se jette sur elle, a-t-elle décrit. "Il pose ma main sur son sexe, dit +regarde quel effet tu me fais+", essaie de l'embrasser alors qu'elle tourne la tête.

"Quand elle vient chez vous, elle vient chez vous pourquoi ?", demande l'avocat général à l'accusé.

"Elle vient chez moi parce que je lui ai proposé qu'on fasse des photos", admet Salim Berrada, 38 ans.

Le magistrat se lève de son estrade, descend jusqu'au prétoire en reprenant point par point le récit de la jeune femme, qu'il ponctue de "vrai ou faux ?"

"Faux", répète l'accusé - il ne l'a pas plaquée, pas embrassé de force, pas léché ses seins, pas sauté dessus.

"Alors monsieur quand on dit des choses fausses, qui ne sont pas la vérité, ça s'appelle comment ?"

"Ça s'appelle ne pas dire la vérité", élude Salim Berrada. L'avocat général insiste. L'accusé cède. "Ça s'appelle mentir, c'est ça que vous voulez ?"

"Et ben voilà !", s'exclame le magistrat.

"Vous avez tout à fait le droit de dire qu'une personne qui vous accuse ment", poursuit celui qui préfère qu'on soit "très clairs", au premier jour des témoignages des 17 femmes qui l'accusent.

Donc, résume l'avocat général, "Madame, et le ballet des parties civiles qui vont passer à la barre, ment".

"Elle peut réinterpréter, mal se souvenir", avance l'accusé. "Il y a mille nuances entre mentir et dire la vérité".

Par Marie DHUMIERES / Paris (AFP) / © 2024 AFP

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