Forts du succès de la pétition contre la loi Duplomb, la gauche et les écologistes ont promis lundi de maintenir la pression à l'automne autour de l'abrogation du texte agricole décrié pour son impact environnemental, même si ce ne sera pas lors du débat parlementaire provoqué par cette protestation inédite.
Lancée le 10 juillet, deux jours après l'adoption de la loi qui prévoit notamment la réintroduction à titre dérogatoire et sous conditions de l'acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes - interdit en France mais autorisé en Europe -, la pétition avait récolté 1,37 million de signatures lundi midi sur le site de l'Assemblée nationale.
Un chiffre largement au-dessus du seuil requis des 500.000 pour obtenir un débat en séance sur cette pétition, si la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale, qui fixe l'agenda, en décide ainsi mi-septembre lors de la rentrée parlementaire.
La présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet (Renaissance), s'y est dite "favorable" mais ce débat ne permettra pas un réexamen de la loi sur le fond car il faudrait un autre texte législatif.
Qu'à cela ne tienne, "c'est une lutte qui ne fait que commencer", a prévenu la députée écologiste Sandrine Rousseau sur franceinfo. "Lors des prochaines niches parlementaires (journées réservées aux textes des groupes politiques, NDLR), chaque groupe du Nouveau Front populaire aura comme texte l'abrogation de la loi Duplomb", a-t-elle assuré.

Les néonicotinoïdes, des insecticides toxiques (aussi) pour l'environnement
Christophe THALABOT, Sylvie HUSSON - AFP/Archives
Ce pesticide est réclamé par les producteurs de betteraves et de noisettes, qui estiment n'avoir aucune alternative contre les ravageurs et subir une concurrence déloyale de leurs concurrents européens.
A contrario, les apiculteurs mettent en garde contre "un tueur d'abeilles". Ses effets sur l'humain sont aussi source de préoccupations, même si les risques restent incertains, faute d'études d'ampleur.
Les écologistes, bien que n'étant pas à l'origine de la pétition, lancée par une étudiante qui refuse tout contact avec les médias, essayent de tirer avantage de cette mobilisation citoyenne.
"Cela prouve qu'il y a une différence entre l'opinion publique et l'entre-soi politique de la ministre de l'Agriculture, de la FNSEA et du Sénat", a jugé Mme Rousseau.
"C'est une incroyable bonne nouvelle", a renchéri sur son blog Jean-Luc Mélenchon (LFI) alors qu'au moment du processus parlementaire "la loi ne souleva guère de passion au-delà de milieux directement impliqués".
- Deuxième délibération -
"Instrumentalisation de la gauche et des écologistes", répondent les défenseurs de la loi, en premier lieu son auteur, le sénateur LR Laurent Duplomb.
"Quand on diabolise les choses et quand on fait peur à tout le monde, on peut avoir ce résultat", a-t-il relativisé.
Dans le camp présidentiel, on cherche la bonne formule pour tenir compte du succès de la pétition sans remettre en cause la loi votée au Parlement.
Gabriel Attal, patron du parti présidentiel Renaissance, a ainsi souhaité que le gouvernement saisisse l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) afin qu'elle donne son avis sur le texte en amont de l'éventuel futur débat parlementaire.

Le sénateur Les Républicains Laurent Duplomb, au Sénat à Paris, le 11 février 2025
ALAIN JOCARD - AFP/Archives
Mais pour M. Duplomb, la pétition vise surtout à "mettre de la pression sur le Conseil constitutionnel" qui doit se prononcer sur la loi d'ici au 10 août.
S'il la valide, la gauche appelle Emmanuel Macron à demander alors au Parlement une deuxième délibération, comme le lui permet la Constitution.
"Le chemin de cette loi n’est pas terminé puisque le Conseil constitutionnel a été saisi. Le président (Macron) ne peut dès lors pas s’exprimer tant que les Sages n'ont pas rendu leur décision", a répondu à l'AFP l'entourage du Président.
Si le chef de l'Etat prenait une telle décision, cela déclencherait cependant une crise gouvernementale avec les LR au coeur de l'été.
"Je pense que le président de la République est conscient des enjeux de souveraineté", y compris alimentaire, a estimé lundi le président de la FNSEA Arnaud Rousseau. "Le sujet pour nous, c'est évidemment de continuer à produire une alimentation comme elle se fait partout en Europe", a-t-il déclaré sur franceinfo, regrettant une "opposition permanente entre production et environnement".

Une opposante à la loi Duplomb, membre de la Confédération paysanne, , le 5 juin 2025 à Saint-Michel dans le Gers
Valentine CHAPUIS - AFP/Archives
La loi Duplomb, présentée par ses défenseurs comme une réponse aux manifestations du monde agricole de 2024, contient d'autres mesures controversées, sur le rôle de l'Anses ou le stockage de l'eau pour l'irrigation des cultures (méga-bassines).
Lundi, l'ONG Agir pour l'environnement a annoncé un recours devant le Conseil d'Etat contre un décret ministériel permettant d'encadrer le calendrier de travaux de l'Anses en matière d'autorisation de pesticides. Cette disposition figurait initialement dans la proposition de loi Duplomb mais, face aux critiques, en avait été retirée.
Par Fabrice RANDOUX / Paris (AFP) / © 2025 AFP