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Le bac de philo, une exception française

Alors que les quelque 700 000 candidats au bac s'attaquent à la traditionnelle première épreuve de philosophie ce lundi, Natacha revient sur les origines de cette dernière.

C’est une spécificité française. Et qui date de 1808 et de la création du baccalauréat par Napoléon. Et c’est un reste de ce rapport très français à la spéculation, à la pensée, qui forge notre vision du monde. Les jeunes gens qui vont plancher ce matin n’en ont sans doute pas conscience, mais cette épreuve est ce qu’il nous reste de l’Humanisme et des Lumières. Les Français estiment qu’un esprit éclairé peut penser par lui-même, soutenu par les écrits des grands hommes. Le baccalauréat vient sanctionner la formation de l’honnête homme, c’est-à-dire de l’homme émancipé par ces savoirs que transmet l’éducation libérale, celle qui donne accès aux humanités. Se poser des questions comme « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » ou « Tout ce que j’ai le droit de faire est-il juste ? », être capable de produire une argumentation, de penser contre soi-même aussi, en développant une contre argumentation pour sortir du binaire, du oui/non, et accéder au ternaire de la délibération, c’est être capable de débattre avec autrui en homme tolérant et libre. Et c’est ce qui a fait que pendant des décennies, la dissertation de philosophie incarnait l’excellence que le monde entier reconnaissait au système éducatif français.

Mais cette excellence n'est plus qu'un souvenir et de nombreux jeunes enseignants sont aujourd’hui les produits d’un système qui a abandonné toute ambition intellectuelle en renonçant à la dissertation. Eux-mêmes ne savent pas pratiquer l’exercice. Et surtout, les élèves qui arrivent aujourd’hui en terminale sont le produit d’un système qui a cessé d’enseigner le vocabulaire et la grammaire, et qui pense qu’il ne faut surtout pas confronter les élèves à des œuvres trop éloignées de leurs réalités et de leurs préoccupations. Or, la philosophie est avant tout un exercice d’exploration du langage. Le sujet de l’an dernier, « Tout ce que j’ai le droit de faire est-il juste ? » nécessite de s’interroger sur les sens du mot « juste », de l’expression « avoir le droit », et de comprendre ce qu’implique ce « tout » qui détermine la question. C’est à partir de là qu’on comprend ce qui fait problème, ce qui mérite d’être pensé. Philosopher, c’est connaître le sens des mots, c’est creuser le sens des mots. Ce qui est impossible pour qui ne maîtrise par parfaitement la langue.

Cette épreuve a un sens en ce qu’elle nous rappelle, contre l’utilitarisme anglo-saxon qui s’impose, que l’école est là pour fabriquer des hommes libres de tout obscurantisme.

>> L'intégralité de la chronique est disponible en podcast

 

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