On va être très clairs : éviter des morts, des handicapés, des familles brisées, c’est un enjeu absolument essentiel. Mais là, il n’est vraiment pas sûr qu’on parle de ça. Aujourd’hui, il y a 400 voitures banalisées qui sont équipées de radars embarqués et conduites par des policiers. L’idée, ce serait donc d’en confier la conduite à des agents de sociétés privés, avec un itinéraire défini par GPS. Le but, c’est de multiplier par deux le nombre de voitures banalisées circulant sur les routes.
Rappelons quelques chiffres. Entre 2015 et 2016, il y a eu une hausse de 20% du nombre de flashs et une augmentation des PV, avec près d’un milliard d’euros rentrés dans les caisses de l’État. On imagine la manne avec cette privatisation : 2,2 milliards envisagés selon l’association 40 millions d’automobilistes. La plupart des PV concernent des dépassements de moins de 20km/h et surtout, le nombre de morts n’a pas baissé malgré l’explosion des PV ! En fait, il n’y a pas de lien véritable.
Si on déchargeait les policiers des tâches administratives délirantes (surveillances de trajets de détenus, encadrements de délégations étrangères à Paris, etc.), on économiserait énormément de postes. Ce sont ça, les revendications des syndicats de policiers. Resserrer l’État sur ses tâches régaliennes, c’est l’argument qui permet de vendre à la découpe. Souvenez-vous du gouvernement Villepin qui avait privatisé les autoroutes. On nous a expliqué que le privé ferait ça tellement mieux, que ça permettrait de réduire la dette, etc. Moralité : en dix ans, +20% sur les péages et une rentabilité de 20 à 25% pour les concessionnaires.
Tout est une question de légitimité. Les automobilistes ont l’impression d’être les vaches à lait du système, mais ils y consentent car c’est l’État qui fait ce travail ! C’est-à-dire l’incarnation de la volonté des citoyens. Du coup, c’est acceptable. Là, Gérard Collomb explique que ce seront toujours des policiers qui dresseront les PV. D’accord, un fonctionnaire dans un centre de traitement. Mais pas du tout un policier présent. Et surtout, il nous dit que les sociétés ne seront pas rémunérées au nombre de PV dressés et ne seront donc pas tentées de faire du chiffre. Oui, sauf qu’elles seront rémunérées au temps passé sur la route par le radar. Actuellement, c’est à peu près une heure par jour (pas assez rentabilisé). Elles espèrent huit heures par jour. Donc ça revient au même ! Ce sera au nombre de PV puisqu’il va augmenter. Ça s’appelle donc une nouvelle taxe, ou une nouvelle tonte.
Réécoutez ici l’édito de Natacha Polony dans le Grand Matin Sud Radio