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La paupérisation des retraités, une tragédie pour notre société

Chaque année, on rogne un peu plus le pouvoir d’achat des retraités sous prétexte qu’avec l’allongement de la durée de la vie et le vieillissement de la population, les actifs ont une charge trop lourde à supporter, et que les générations des baby-boomers ont été privilégiées par rapport aux générations suivantes. Tout cela n'est pas faux, mais...

Emmanuel Macron à la rencontre de personnes âgées (©THIERRY ZOCCOLAN - AFP)

Toutes les études statistiques aboutissent bien à la conclusion que les progrès enregistrés à la fin des années 1940 se sont ralentis, voire interrompus, pour les générations du tournant des années 1950-1960. Quand on regarde l’évolution de la moyenne du pouvoir d’achat, on a l’illusion d’une constante progression pour tous, mais quand on regarde cette évolution par génération, on constate au contraire une dégradation du niveau et des conditions de vie pour les générations qui se succèdent depuis la fin des années 1950. Louis Chauvel, un sociologue qui s’est beaucoup intéressé au destin des générations, a calculé qu’en 1975, un salarié de 50 ans gagnait en moyenne 15% de plus qu’un salarié de 30 ans. En 2005, cet écart est passé à 40%. Bien sûr, les trentenaires de 2005 commencent à travailler environ dix ans plus tard en moyenne, mais tout de même, à âge, diplôme et qualification comparable, l’écart entre générations se creuse au détriment de celles qui n’ont pas bénéficié des Trente Glorieuses et qui supportent le poids de la hausse de l’immobilier. 

Bien sûr, si Paris n’est pas la France et exagère la tendance de l’immobilier, une petite comparaison qui fait réfléchir : en 1984, une année de salaire parisien moyen permettait d’acheter 9m², seulement 3m² en 2005. Si l’on ajoute que l’inflation, qui a rogné les dettes des générations d’après-guerre, a aujourd’hui disparu, on peut avancer sans se tromper que ces générations ont bien été avantagées matériellement par rapport à celles d’aujourd’hui.

La démographie et l’allongement des études alourdissent dans le même temps la charge qui pèse sur les actifs. Ainsi, alors qu’en 1970 il y avait 3,8 actifs cotisant pour un retraité, en 2015 il n’y en avait plus que 1,3, soit trois fois moins. Or, quel que soit le système de retraites, ce sont toujours les actifs d’aujourd’hui qui payent les pensions de retraite, d’une façon ou d’une autre. En même temps, les actifs doivent payer davantage pour leurs enfants qui rentrent beaucoup plus tard dans la vie active.

Il n’y a que deux solutions pour s’en sortir sans demander plus de sacrifices aux personnes âgées.

La première, c’est de prendre aux vieux pour donner aux jeunes, comme on le fait. Le problème, c’est qu’il y a beaucoup de petites retraites et de retraités qui n’ont même pas les moyens de se soigner. Et les statistiques sont trompeuses quand on compare le revenu des actifs à celui des retraités, parce qu’avec l’allongement de la durée de la vie, la dépendance augmente et alourdit considérablement le coût de la vie pour ceux qui la subissent. Paupériser les retraités, c’est immoral car les vieux, quand ils le peuvent, aident beaucoup les jeunes financièrement. C’est aussi compliqué car les enfants doivent – c’est une obligation – subvenir aux besoins de leurs parents quand ceux-ci n’y parviennent plus (comme c’est souvent le cas quand la maison de retraite coûte trop cher). Enfin, c’est doublement absurde, car l’avenir de chacun est dans la vieillesse. Sauf accident de la vie, chacun est appelé à devenir vieux. Il y a donc une sorte de solidarité obligatoire entre les générations. Et si les baby-boomers n’ont pas mangé leur capital pour payer leur maison de retraite, ce sont les générations suivantes qui en hériteront, de même qu’elles hériteront des infrastructures, des services publics, de tout ce qui finance aujourd’hui l’avenir... Il faut donc arrêter de dire que les déficits créent des dettes pour les enfants. Ceux-ci hériteront aussi des créances et des infrastructures.

La deuxième solution, c’est de produire plus, donc d’investir, d’innover, de créer des emplois et d’encourager encore plus les retraités les plus jeunes à cumuler emploi et retraite, car le travail crée le travail. Bref, le volontarisme économique plutôt que la paupérisation des retraités, et pour cela avoir le courage intellectuel et politique de tourner le dos au dogme de l’austérité et du laissez-faire qui, depuis 40 ans, ruine nos économies et ravage nos sociétés en sacrifiant l’avenir au passé.

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