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Jérôme Gavaudan - Justice : "La crise a montré les dérives, de fait autoritaires"

Jérôme Gavaudan, président du Conseil National des Barreaux, était l’invité du “petit déjeuner politique” de Benjamin Glaise le 25 février 2021 sur Sud Radio, à retrouver du lundi au vendredi à 7h40.

Jérôme Gavaudan interviewé par Benjamin Glaise sur Sud Radio le 25 février 2021 à 7h40.

Élu pour trois ans président du Conseil national des barreaux, Jérôme Gavaudan explique qu’il s’agit de "l’institution nationale qui représente globalement les 71.000 avocats de France" à la fois pour les représenter dans les discussions mais aussi pour réguler la profession. Cette institution permet également aux avocats d’alerter les pouvoir publics, si nécessaire. "Par tradition, les avocats sont des vigies des libertés fondamentales et individuelles", souligne le nouveau président du Conseil national des barreaux. Les libertés individuelles, qui "depuis un an ont été menacées" font partie des faits à surveiller, tout comme "la question des prisons", "la question des migrants" ou encore les avocats en situation de danger dans le monde. "Dans ces temps qui sont les nôtres, qui sont certes difficiles, les grands principes ont leur importance rappelle Jérôme Gavaudan. C'est la tradition depuis au moins 2.000 ans de la profession d'avocat et c'est ce que fait le Conseil national des barreaux".

 

Jérôme Gavaudan : "Globalement, la France a un problème avec les prisons"

Dans les prisons, la situation est critique à cause de la crise sanitaire, qui a rendu encore plus difficile la vie des condamnés. "Globalement, la France a un problème avec les prisons", souligne le néo-élu. "Il s’agit d’un problème de dignité humaine."

La Covid "accentue les difficultés pour les personnes qui sont détenues, et j’ai alerté l’administration il y a quelques jours", précise Jérôme Gavaudan. Notamment, il y avait un problème pour les familles d’apporter à leurs proches détenus "ne serait-ce que le minimum", comme le linge. "Nous avons constaté que dans certaines maisons d’arrêt ou certains lieux de détention, il y avait une incapacité pour les détenus de se changer." Des conditions qui sont "dégradantes", souligne l’avocat : "la privation de libertés n’implique pas des conditions de vie dégradantes".

 

 

"Des peines privatives de libertés ou détention provisoire sont souvent la norme, alors qu’elles devraient être l’exception."

Le nombre de prisonniers en France est reparti à la hausse, alors que les prisons sont déjà surpeuplées. "C’est un mal endémique", regrette le président du Conseil national des barreaux. S’il concède que "des efforts ont été faits", il estime qu’il faut "donner des moyens" et peut-être "repenser la question de la privation de la liberté". Une position partagée par de nombreux spécialistes.

"Moi, j’en dis que manifestement nos prisons ne sont pas adaptées, qu’il y a un réflexe qui peut être en réalité sécuritaire de ‘tout prison’, trop souvent, de peines privatives de libertés ou de détention provisoire qui sont souvent la norme, alors qu’elles devraient être l’exception."

 

 

"La France est un des plus mauvais pays en Europe sur le financement de sa justice"

La Covid a entraîné un retard dans les affaires judiciaires, du fait des restrictions sanitaires. "La situation repart", précise Jérôme Gavaudan. Toutefois, "il ne faut pas penser que c’est que la crise sanitaire qui implique des retards" ; "c’est des années et des années de retard" sur l’ensemble du système judiciaire qui induisent cette situation. "Les greffiers le disent : il n’y a pas assez de moyens qui sont donnés à la justice."

"La France est un des plus mauvais pays en Europe sur le financement de sa justice et les moyens qui lui sont donnés." Il concède toutefois que "la crise sanitaire a rajouté à cette question-là", sans être la seule et unique cause des retards. "Nous sommes dans une situation très difficile."

Ces retards et ces dysfonctionnements, causés par un manque de moyen, posent la question "de l’accès au droit" dans son ensemble, selon le président du Conseil national des barreaux. "Il n’est jamais sain d’être jugé très longtemps, en tout cas de longues années ou de longs mois après les faits qui ont été commis ou qui sont reprochés."

 

"La crise a montré les dérives, de fait autoritaires"

L’État d’urgence, en place depuis près d’un an pour faire face à la crise sanitaire, entraîne une restriction des libertés. "La crise a montré les dérives, de fait autoritaires", concède Jérôme Gavaudan. Il rappelle que, durant le premier confinement, la ministre de la Justice à l'époque avait adopté une ordonnance qui permettait de "prolonger la détention préventive" et qui a été censurée par le Conseil constitutionnel. "C’était, par exemple, très grave : quelqu’un qui pouvait être détenu quatre mois s’est vu, par une ordonnance, pouvoir être détenu deux mois de plus sans voir un juge." Or, rappelle le président du Conseil national des barreaux, en démocratie, l’impossibilité de voir un juge dans les délais prévus par la loi fait qu’on "libère la personne".

Par ailleurs, "à de multiples reprises et avec beaucoup de prudence, le Conseil d'Etat a jugé qu'un certain nombre de mesures étaient illégales rappelle-t-il, comme la fermeture des lieux de cultes, la Visio-audience. Nous le dénoncions mais désormais, les plus hautes juridictions de ce pays le disent".

 

"On ne peut pas considérer que la violence des jeunes soit de près ou de loin liée à une forme de laxisme de la justice"

Le parlement a récemment adopté la réforme de la justice pénale des mineurs, qui entrera en vigueur à partir du mois de septembre. "Il ne faut pas penser que la violence des jeunes, qui est dramatique et un vrai problème de société reconnaît Jérôme Gavaudan, peut toujours être réglée par la justice. Ou que la justice serait responsable, dans le cadre de laxisme, de ces situations-là. La justice vient après, elle doit passer et être exemplaire, elle doit permettre une reconstruction de ces jeunes, mais on sous-entend trop que ce serait la justice, ou les juges ou les magistrats ou les avocats, qui seraient la cause ! On ne peut pas considérer que des rixes de jeunes dans les quartiers soient de près ou de loin liés à une forme de laxisme de la justice" estime-t-il.

Pour lui, "on en revient aux questions de moyens : donnons plus de moyens aux brigades des mineurs, donnons plus de moyens aux éducateurs, aux juges des enfants et peut-être aurons-nous des progrès qui pourraient être faits".

 

"La prescription est faite dans un souci de paix sociale"

Des débats s'ouvrent sur la prescription pour les victimes d'inceste. "La question de prescription pour les avocats et de manière générale doit être positionnée dans la société explique Jérôme Gavaudan. La prescription n'est faite ni pour protéger la victime, ni pour protéger la personne qui a commis le crime ; la prescription est faite dans un souci de paix sociale. La société dans son ensemble doit considérer qu'à un moment, un fait ne peut plus être poursuivi. Il ne faut pas le voir comme une accusation des uns et des autres !

Il faut placer le débat sur un plan plus sociétal : quelle que soit la victime, quelle que soit la reconnaissance qu'on lui doit, quelles que soient ses souffrances, à un moment la société doit dire stop".

 

 

 

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