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Inquiétudes autour de la future loi antiterroriste du gouvernement 

Par Benjamin Rieth avec AFP

Le texte de la future loi antiterroriste doit être présenté le 21 juin en Conseil des ministres après avoir été transmis au Conseil d’État. Cette nouvelle loi doit prendre le relais de l’état d’urgence en vigueur depuis les attentats de novembre 2015.

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Plusieurs juristes et associations se sont inquiétés après la parution, dans le journal Le Monde, des premiers éléments qui seront intégrés dans la future loi antiterroriste présenté le 21 juin en Conseil des ministres. Ce texte doit permettre de prendre le relais de l’état d’urgence entré en vigueur depuis les attentats de novembre 2015. L’exécutif entend confier de manière permanente aux préfets et au ministre de l'Intérieur le pouvoir d'assigner des individus dans un "périmètre géographique déterminé", et de perquisitionner de jour comme de nuit, deux mesures jusqu'ici indissociables de l'état d'urgence. Les représentants de l'État pourraient aussi interdire des lieux de culte, exploiter des téléphones ou ordinateurs, ordonner fouilles et palpations, et placer sous bracelet électronique, "aux seules fins de prévenir un acte de terrorisme". Le contrôle reposerait sur la justice administrative.

"Un véritable monstre juridique"

Alors que la gauche, sous François Hollande, a fait voter six lois renforçant les pouvoirs des forces de l'ordre, le PS a appelé jeudi Emmanuel Macron à "renoncer à son projet d'état d'urgence permanent", faisant part de sa "plus vive inquiétude". "C'est une transfusion inacceptable de l'état d'urgence dans le droit commun", s'alarme Paul Cassia, professeur de droit administratif. Interrogé par l'AFP, il souligne que des mesures "particulièrement attentatoires aux libertés" pourraient être décidées "sur un simple soupçon". Seul "aspect positif" selon lui : ce dispositif de droit commun pourra être examiné par la Cour européenne des droits de l'homme, alors que les mesures de l'état d'urgence ne sont pas soumises à son contrôle.

Le Syndicat de la magistrature a lui qualifié le texte de "véritable monstre juridique" et promet une "opposition sans faille". L'Union syndicale des magistrats, largement majoritaire, a dénoncé un projet "scandaleux". De son côté, le Syndicat des avocats de France ne croit guère au contrôle par le juge administratif : "L'expérience démontre (qu'il) n'assume pas pleinement son rôle." 

Les magistrats inquiets du rôle donné au pouvoir judiciaire

Serge Slama, membre du Centre de recherche et d'études sur les droits fondamentaux, souligne que ces mesures permettent "au préfet d'ordonner des vérifications sur simple dénonciation. Le but du jeu n'est pas d'arrêter un poseur de bombes mais de conserver des données". Il relève par ailleurs que le texte est "un mélange entre le droit des étrangers et les dispositions de l'état d'urgence", donnant notamment l'exemple des assignations à résidence, déjà possibles pour les étrangers condamnés dans des affaires de terrorisme. 

Les magistrats s'inquiètent par ailleurs du rôle mineur dévolu au pouvoir judiciaire. L'avant-projet, tel que publié par Le Monde, prévoit seulement que le procureur de Paris donne son feu vert aux perquisitions, et soit "informé" en cas d'assignation. "Le procureur de la République ne saurait être instrumentalisé (...) et réduit à un simple rôle de délivrance d'autorisations relatives à des opérations qu'il ne contrôle ni ne dirige", s'indigne l'USM. Le juge pénal se verrait toutefois sollicité pour punir la violation d'une assignation (jusqu'à trois ans de prison et 45.000 euros d'amende). Pour le Syndicat de la magistrature, c'est la création de toutes pièces d'une "infraction terroriste que les investigations judiciaires n'auront pas trouvée."

Néanmoins, la tonalité est toute autre du côté des forces de l'ordre. Christophe Rouget, porte-parole du SCSI-CFDT, syndicat des cadres de la sécurité intérieure, salue un "projet qui va dans le bon sens". Pour lui, "tous les citoyens (...) ont compris l'intérêt de telles mesures. Ils ont vu que l'état d'urgence (...) n'entravait pas leur liberté".

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