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Homophobie: les enseignants LGBT+ ne se sentent pas encore assez protégés

Le suicide de Caroline Grandjean, une directrice d'école du Cantal victime de harcèlement homophobe, met en lumière un sentiment de solitude souvent ressenti par les enseignants LGBT+ face à de multiples formes de violences.

JULIEN DE ROSA - AFP

Le suicide de Caroline Grandjean, une directrice d'école du Cantal victime de harcèlement homophobe, met en lumière un sentiment de solitude souvent ressenti par les enseignants LGBT+ face à de multiples formes de violences.

"Tous les personnels LGBTQIA+" de l'enseignement "se sont sentis heurtés par l'histoire de notre collègue. Les moqueries et insultes, on les connait", résume pour l'AFP Alexis Guitton, membre du Collectif éducation contre les LGBTIphobies en milieu scolaire et universitaire.

Vendredi soir, 100 à 200 personnes ont participé à un rassemblement à l'appel d'associations devant le ministère de l'Education. D'autres rassemblements sont prévus, comme à Lyon samedi sous le mot d'ordre "Quand la lesbophobie tue, les pouvoirs publics ferment les yeux".

"Quand on est lesbienne, bi, gay, trans ou non-binaire dans l’Éducation nationale, on nous apprend dans la formation à ne pas le montrer: on ne doit pas le dire aux élèves, on doit le taire en salle des profs", a déploré lors du rassemblement parisien Clémence Barland, 27 ans, enseignante et porte-parole du collectif les Féministes révolutionnaires.

"Le principal problème aujourd'hui c’est que l’Éducation nationale ne prévoit rien du tout pour les profs LGBT+. On est dans un système où on essaie de faire des efforts pour les élèves, mais on ne pense pas du tout à eux", affirme à l'AFP Julia Torlet, porte-parole de SOS Homophobie.

Selon elle, le climat pour ces profs est "plus délétère qu’il y a quelques années". "L’école, c'est un microcosme de la société. (...) Et aujourd'hui, la société est infusée par les idées d'extrême droite, très conservatrices".

Le ministère a fait valoir qu'il avait mis en place des formations volontaires pour aider à prévenir les LGBTPhobies, une campagne de communication et, depuis cette rentrée, un accompagnement renforcé des personnels pour mieux identifier et gérer les situations de violence.

"J'ai essuyé des critiques qui sont remontées jusqu'au rectorat pour dire que je ne faisais pas correctement mon travail ou que je mettais les élèves en danger", rapporte Mme Torlet, disant avoir "eu la chance d'être protégée par (sa) hiérarchie" mais que certains de ses collègues "vivent cachés".

Alexis Guitton confirme: "La plupart des personnes ne préviennent pas" des discriminations subies, elles "préfèrent rester dans le silence".

- "Propos sexistes" -

Sofiane, 38 ans, professeur de collège en Seine-Saint-Denis qui ne souhaite pas donner son nom de famille, raconte ainsi avoir déjà été "insulté frontalement par un élève, traité de pédé", mais a été soutenu par sa cheffe de l'époque.

"J'ai parfois des remarques d'élèves, ou même des questions franches et je réponds toujours que c'est ma vie privée", poursuit-il, voyant "beaucoup d'homophobie chez les élèves, mais aussi beaucoup plus d'ouverture chez certains: ça va dans les deux sens".

Selon Alexis Guitton, les enseignants LGBT+ vont préférer "se tourner vers les associations" que les syndicats.

"Dans ma salle des profs, il y a des collègues qui ouvertement, régulièrement, sous couvert d'humour, tiennent des propos sexistes ou lgbtiphobes", décrit-il.

Rassemblement contre l'homophobie à Paris, le 5 septembre 2025

Rassemblement contre l'homophobie à Paris, le 5 septembre 2025

JULIEN DE ROSA - AFP

Parler de sa vie familiale va ainsi de soi pour des enseignants hétérosexuels, selon lui, mais pas pour les LGBT+.

Il se souvient aussi d'un collègue "qui recevait des mots d'insultes homophobes dans son casier. La seule solution qui lui a été proposée, c'est la mutation".

Une mutation également proposée à Caroline Grandjean. Elle l'avait refusée, estimant que ce serait une forme de défaite face aux messages homophobes et menaçants anonymes.

Alexis Guitton décrit aussi une forme de violence institutionnelle dans les difficultés parfois subies par les enseignants LGBT+ à "faire reconnaitre leurs droits" comme un rapprochement familial ou un congé parental.

D'après le rapport annuel de SOS Homophobie, 25% des appels reçus de la part de personnes subissant des violences ou discriminations anti-LGBT+ viendraient des personnels enseignants, mais il n'existe pas de données officielles.

"Le ministère commence tout juste à se pencher sur la question de la diversité en entamant des discussions pour la rédaction d'un plan", indique Aurélie Gagnier, porte-parole du syndicat du premier degré FSU-Snuipp.

"Il faut travailler l'ensemble du système, les cellules de signalement, l'accès à la médecine du travail, à la psychologie du travail", enjoint Julia Torlet.

ved-mep-brk-jwi/bj/alu/cbn

Par Jonathan WIJAYARATNE, Bouchra BERKANE, Véronique DUPONT / Paris (AFP) / © 2025 AFP

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