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Hommage aux morts du Covid - "On honore ceux qui subissent alors qu'autrefois, on célébrait le courage"

Comme de nombreuses familles de victimes le réclamaient, Gabriel Attal a eu la merveilleuse - mais moderne - idée de céder à l'émotion, à la facilité. Sauf qu'on galvaude les honneurs à force de détourner l'hommage de son sens premier : célébrer nos héros qui se battaient pour des symboles, une certaine idée de la grandeur et du sacrifice.

Le regard libre d'Élisabeth Lévy, chaque matin à 8h15, revient ce jeudi sur le coup de com' de Gabriel Attal : il y aura bien un hommage national aux morts du Covid-19. (Photo de Ludovic Marin / AFP)

Selon Gabriel Attal, il y aura bien un hommage aux morts du Covid.

Le porte-parole du gouvernement parle d’un moment d’hommage et de deuil sans ajouter de précisions. Matthieu Orphelin veut une journée célébrée annuellement. Mardi, le Conseil de Paris a voté dans son inimitable jargon la construction d’un « lieu de mémoire active ». Plusieurs villes du monde ont déjà leur mémoriel (le mot “mémoriel” est ici utilisé à dessein car virtuel pour le moment). À Londres, des milliers de cœurs sont dessinés sur un mur le long de la Tamise.

Je tiens à faire un préalable en adressant toutes mes condoléances à toutes les familles endeuillées. Ces morts et leurs proches méritent notre compassion. Mais la compassion n’est pas l’admiration. Pourquoi honorerait-on les victimes du Covid, plus que celles du sida, du cancer ou des accidents de la route ? Parce qu’il y en a 100 000 ? 

Un hommage national répond, en théorie, à deux grands critères :

  • On honore ceux qui, par héroïsme, courage et abnégation, ont servi la collectivité. Ceux-ci incarnent quelque chose de plus grand qu’eux, comme la liberté. Les morts du Covid ne l’ont, par définition, pas choisi et n’ont aidé personne en mourant (si l’on excepte les soignants).
  • On honore également les victimes de génocide et de crimes de masse. Auschwitz, la guerre civile au Cambodge, le génocide du Rwanda, l’esclavage, tous ces drames ont leurs monuments. Cela s’appelle le devoir de mémoire : on rend hommage aux victimes mais surtout pour le « plus jamais ça ». Des zozos d’extrême gauche prétendent que les victimes du Covid sont mortes pour nos profits, pas de la barbarie virale ni de la bête immonde.

Pourquoi cette commémoration me gêne-t-elle ? 

C’est ridicule voire obscène et c’est encore - s’il en fallût un nouveau - un témoignage de notre sensiblerie et de notre refus du tragique. Dans cette tyrannie de l’émotion, on allume des bougies contre le terrorisme et on dessine des cœurs contre la mort. Autrefois on admirait les héros, ceux qui triomphaient du sort, on célébrait le courage, aujourd’hui, on adule ceux qui subissent. 

La médiatisation du monde implique également un problème anthropologique non négligeable : ce qui est privé n’existe pas. On veut partager sa souffrance, en négation de la condition humaine et de son inaltérable solitude. 

Cependant, nous avons commis un crime collectif : les laisser mourir seuls, parce que nous considérons que la vie biologique prime sur toute autre considération. Si nous voulons vraiment nous souvenir de ces victimes, ce n’est pas par notre sentimentalisme bruyant mais en refusant, à l’avenir, cette barbarie du bien.

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