Plus de 500 professeurs, écrivains et éditeurs s'alarment, dans une tribune publiée mardi par Le Monde, du remplacement progressif en Ile-de-France des manuels scolaires par une plateforme numérique qui va conduire, selon eux, à une "école sans boussole, réduite à du scroll".
Cette mobilisation fait suite à l'annonce par la présidente de la région, Valérie Pécresse (LR), de mettre à disposition des lycéens un portail unique, Pearltrees, proposant une cinquantaine de manuels numériques dit "libres", qui fonctionnent avec l'intelligence artificielle.
Mme Pécresse a justifié cette mesure par le fait que les traditionnels manuels d'éditeurs "n'étaient pas souvent ouverts par les élèves" et que "deux tiers des enseignants" étaient "aujourd'hui utilisateurs de manuels libres".
"Le choix a été fait par le conseil d'administration de chaque établissement: soit garder le papier, soit passer au numérique. Ceux qui sont passés au numérique l'ont fait, je pense, pour des raisons qui tiennent au fait qu'aujourd'hui, les élèves font leurs devoirs sur le numérique", avait-elle insisté lors d'une conférence de presse la semaine dernière, précisant qu'il y avait "la moitié des lycées en Ile-de-France où les élèves ont tous leurs manuels en papier".
Les auteurs de la tribune regrettent que "ce basculement n'ait fait l'objet d'aucun débat public": "il s'est imposé en silence, sans demander l'avis des enseignants, sans écouter les parents et sans tenir compte des élèves".
Pour eux, la plateforme unique est "une mosaïque de fragments sans hiérarchie ni structuration". "Plus de fil conducteur, plus de vision d'ensemble, plus de repères : c'est l'école sans boussole, réduite à du scroll. Ce n'est plus un chemin d'apprentissage, mais un puzzle éclaté où chaque élève est livré à lui-même", estiment les signataires.
"Nous ne sommes ni nostalgiques, ni technophobes. Mais nous affirmons que l'éradication du manuel scolaire comme repère partagé est une erreur pédagogique, sociale et démocratique", précisent-ils encore.
La tribune appelle donc "à un moratoire sur les plateformes uniques, à une évaluation indépendante de leurs effets, à la reconnaissance du manuel – enrichi du numérique – comme colonne vertébrale de l'apprentissage, de qualité et d'égalité".
Parmi les quelque 530 signataires ayant approuvé le texte mardi matin figurent des dirigeants de maisons d'édition de manuels, de professeurs de lycées, ainsi que des écrivains comme Aurélie Valognes et Sorj Chalandon ou l'animateur Stéphane Bern.
AFP / Paris (AFP) / © 2025 AFP