Au milieu des touristes et des volleyeurs de Paris plage, des familles sans abri, affaires entassées dans des sacs, patientent par dizaines devant l'Hôtel de Ville dans l'espoir d'obtenir un hébergement, un bien rare en été, alertent les associations.
Dans la file, Marwa, Ivoirienne de 33 ans, serre contre elle son bébé, inquiète de ne pas réussir à décrocher de places pour "le petit (qui) ne se sent pas bien" et ses trois autres enfants.
Il y a aussi Mariam (le prénom a été modifié), 56 ans, qui a fui la Côte d'Ivoire après un veuvage, et qui montre sa tente roulée sous son bras: "Voilà où je dors quand je n'ai pas de solution", soupire la demandeuse d'asile.
Chaque soir, depuis une semaine, ils sont quelque 200 à faire la queue au coeur de la capitale, sur l'esplanade où, il y a un an, les festivités des Jeux olympiques battaient leur plein. Migrants pour la plupart, avec un tiers d'enfants parmi eux, ils espèrent que l'association d'aide aux étrangers, Utopia 56, leur épargnera une nuit à la rue.
"La situation est particulièrement tendue en été", alerte Charlotte Kwantes, membre de l'association, qui tient toute l'année une permanence sur le parvis pour tenter de trouver in extremis un hébergement d'urgence aux plus précaires, refoulées des habituelles structures d'accueil.
- Pas d'"héritage" des Jeux -
Mais ce soir-là, au coeur des vacances estivales, malgré ses efforts, plus de soixante candidats, dont 17 enfants, ne trouveront pas de solution. Services publics au ralenti, bénévoles associatifs en vacances, écoles et gymnases fermés et ne pouvant donc plus être utilisés en ultime recours: les raisons sont multiples, énumèrent les associations.

Rassemblement de sans abri devant l'Hôtel de ville de Paris, le 5 août 2025
STEPHANE DE SAKUTIN - AFP
"Le manque de place d’urgence (...) se pose toute l’année, même si on en parle moins l’été bien qu'il y ait plus d'enfants à la rue", déplore Eleonore Schmitt, coordinatrice du Collectif des associations pour le logement, rassemblant 39 organisations.
"La suppression de 6.500 places d’hébergement pour les demandeurs d’asile, votée dans la loi de finances 2025, se répercute sur le terrain", ajoute-t-elle, estimant à "au moins 20.000", le nombre de places d’urgence manquant en France.
"Les associations ne peuvent pas pallier les manquements de l’Etat qui doit assurer ses responsabilités et remplir ses obligations en matière de droit à l'hébergement et droit au logement", insiste la représentante du Collectif pour qui "l’héritage social" promis après les JO "n’a pas eu lieu".
"Il n'y a eu aucune différence pour les personnes précaires", confirme Charlotte Kwantes pour Utopia 56.
- "Niveau élevé" -
Mardi en soirée, une centaine de personnes sans abri, principalement des femmes accompagnées d'enfants, ont décidé de faire entendre leur colère en se rassemblant devant les grilles de l'Hotel de Ville, à l'appel d'Utopia 56. "Des enfants à la rue !" ont-ils scandé pour dénoncer le manque de solution d'hébergement, a constaté une journaliste de l'AFP. Vers 22H00, leur nombre avait doublé et quelque 200 personnes migrantes, dont 80 enfants, selon Utopia 56, s'apprêtaient à passer la nuit sur place.
La Ville de Paris, à qui les associations reprochent notamment un défaut de "mise à l'abri" des femmes enceintes et des mères isolées avec de jeunes enfants, assure continuer d'ouvrir "été comme hiver, des centres pour mettre à l'abri des personnes en famille".

Rassemblement de sans abri devant l'Hôtel de ville de Paris, le 5 août 2025
STEPHANE DE SAKUTIN - AFP
"1.063 personnes sont actuellement mises à l’abri dans des lieux municipaux transformés pérennement ou au sein de gymnases de la Ville", indique la collectivité.
La préfecture d’Île-de-France assure pour sa part qu’il "n’y a pas de fermeture de places d'hébergement liée à la période estivale".
"Le parc d’hébergement francilien reste à un niveau élevé (plus de 113.000 places)", ajoute la préfecture, indiquant que les fermetures de structures sont "accompagnées d’ouvertures" comme la "quarantaine de places dans ses locaux pour les femmes isolées dont certaines avec enfants".
Mais cela reste insuffisant. Arrivés en France il y a deux ans, Maria et son mari dorment depuis un mois dans la rue avec leur fille de quatre mois.
A 21H00, la famille trouve finalement du répit dans d'anciens bureaux à Bagnolet (Seine-Saint-Denis) prêtés à Utopia 56.
"C’est mieux que dormir dehors", admet Maria, en installant sa tente dans le bâtiment vide. Mais dès le lendemain matin, il faudra quitter ce lieu pouvant accueillir jusqu'à 120 personnes.
Par Emma LAUNE-TEREYGEOL et Estelle EMONET / Paris (AFP) / © 2025 AFP