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Contre la prédation du loup, des bénévoles montent la garde en estive

Bâton en main comme des bergers, Sophie et Geoffroy inspectent les filets d'un parc de moutons sur une pente raide du massif des Baronnies, une mission quotidienne et volontaire pour "marquer leur présence" et "empêcher le loup de rentrer".

JEAN-PHILIPPE KSIAZEK - AFP/Archives

Bâton en main comme des bergers, Sophie et Geoffroy inspectent les filets d'un parc de moutons sur une pente raide du massif des Baronnies, une mission quotidienne et volontaire pour "marquer leur présence" et "empêcher le loup de rentrer".

Les deux Bretons surveillent le troupeau de Nathalie Welker, éleveuse d'une centaine de brebis et de chèvres dans la Drôme provençale, où la présence du prédateur est marquée et les attaques sur les ovins récurrentes, une "pression" supplémentaire sur son métier.

"Le loup est là, il faut faire avec, donc trouver des parades", estime l'éleveuse de 57 ans, longue tresse poivre et sel et tee-shirt "Paysan et fier de l'être", observant son vallon sec et sauvage baigné de lumière.

Or "la meilleure prévention" contre les attaques, "c'est la présence humaine", assure celle qui "vit avec le loup depuis presque 20 ans".

Un troupeau de moutons dans les collines au-dessus de Villebois-les-Pins, dans le département de la Drôme,le 31 juillet

Un troupeau de moutons dans les collines au-dessus de Villebois-les-Pins, dans le département de la Drôme,le 31 juillet

JEAN-PHILIPPE KSIAZEK - AFP

Avec deux troupeaux à surveiller, dont un en altitude, et sans moyen de payer un berger, l'éleveuse s'est tournée il y a trois ans vers Pastoraloup, un dispositif chapeauté par l'association de protection des grands prédateurs Ferus, qui envoie des volontaires formés, pour épauler les éleveurs.

Et ainsi permettre à Nathalie "de dormir la nuit et d'être beaucoup moins stressée", mais aussi de faire des rencontres et partager son métier.

Le dispositif gagne du terrain : 35 éleveurs participent cette année, dans les Alpes, le Jura et la Bretagne, contre une vingtaine en 2023.

- "Difficulté de trop" -

Sophie Morice-Couteau, 45 ans, et Geoffroy Galliot, 48 ans, comptent parmi les 63 nouveaux bénévoles formés l'été dernier pour des missions d'une semaine par élevage.

Des bénévoles de Pastoraloup analysent des excréments de loups trouvés près d'un troupeau de moutons dans les collines au-dessus de Villebois-les-Pins, dans le département de la Drôme,le 31 juillet

Des bénévoles de Pastoraloup analysent des excréments de loups trouvés près d'un troupeau de moutons dans les collines au-dessus de Villebois-les-Pins, dans le département de la Drôme,le 31 juillet

JEAN-PHILIPPE KSIAZEK - AFP/Archives

"Je suis solidaire du loup, mais je suis solidaire de l'éleveur" pour qui le prédateur est parfois "la difficulté de trop", confie Sophie, venue pour "mettre les mains dans le tas" et "sortir de cette image de l'écolo qui fait la leçon aux autres".

Derrière ce paysage bucolique perché à 1.000 m d'altitude donnant vue sur les Alpes, les crottes de loup retrouvées à quelques centaines de mètres du troupeau et les vidéos des pièges photographiques montrant les canidés longer les filets, jouer et marquer leur territoire, "stressent" Nathalie.

Elle redoute les "grosses attaques", notamment à l'automne, quand les jeunes loups apprennent à chasser. En octobre 2023, 17 de ses bêtes ont été tuées par une attaque après le départ impromptu d'une bénévole qui a laissé le troupeau sans surveillance.

A l'instar de Sophie et Geoffroy, nombre des 189 volontaires formés "se rendent compte de leurs responsabilités, de la nécessité d'être là", mais d'autres "ne savent pas vraiment ce qui les attend", constate l'éleveuse.

Au coucher du soleil, les deux bénévoles rentrent la cinquantaine d'animaux, méticuleusement comptés, dans un parc de nuit électrifié haut de 1,40 m.

- "Pas là pour débattre"-

Une fois le vallon plongé dans l'obscurité et bercé par les grillons et les cloches des ovins, Sophie, frontale sur la tête, fait un dernier tour avant d'aller se coucher dans son tipi posé à quelques mètres.

"C'est la nuit", seul avec le troupeau, "qu'on comprend son rôle", glisse-t-elle. Mais "le loup n'a pas d'heure : à partir du moment où il a une opportunité, il y va".

Passionnée d'animaux, cette médiatrice de cinéma "croit" à la cohabitation entre l'homme et le prédateur, mais admet ne voir qu'un "extrait" de la vie "compliquée" d'un éleveur. Le canidé, elle aimerait le voir "loin du troupeau", redoutant ce face-à-face que plusieurs volontaires ont déjà vécu, ou pire, une attaque.

La bénévole dit comprendre désormais "la violence que certains éleveurs peuvent parfois avoir vis-à-vis du loup".

Cette violence se traduit par une "très forte pression sociale" sur ceux qui font appel à Pastoraloup et freine d'autres à en bénéficier, regrette l'éleveuse Nathalie Welker, car le dispositif est "étiqueté écologiste".

"On n'est pas du tout là pour débattre, mais pour aider", insiste Sophie.

Au petit matin, moutons et chèvres, au complet, attendent impatients qu'elle et Geoffroy les relâchent dans leur parc de jour. Bientôt, d'autres volontaires viendront assurer cette tâche en relais jusqu'à fin octobre.

Les deux amis partiront, eux, aider un autre éleveur en itinérance dans le Mercantour.

L'Union européenne a récemment déclassé le loup d'"espèce strictement protégée" à "protégée", facilitant ainsi les tirs sur le prédateur malgré les protestations des défenseurs de la biodiversité. Pour 2025, l’État a autorisé l'abattage de 192 des 1.013 loups décomptés sur le territoire français.

Par Maëlle LIONS-GEOLLOT / Villebois-Les-Pins (France) (AFP) / © 2025 AFP

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