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Le grand retour (bienvenu) de la frontière dans le débat public

Les événements politiques, géopolitiques et économiques actuels tendent à faire revenir l’idée de frontière sous le feu des projecteurs. Il était temps.

Migrants à Calais (©PHILIPPE HUGUEN - AFP)

La nation, et par conséquent les frontières, c’est la grande question de la fin du 20ème et du début du 21ème siècle. Pendant des années, les idéologues du monde plat, de la mondialisation mais aussi de l’Europe, ont rêvé d’un monde sans frontières. Certains en rêvent toujours. Je pense aux financiers, aux milieux d’affaires, à ceux qui pensent trouver leur intérêt dans un grand marché où toutes les réglementations seraient les mêmes dans tous les pays et où uniformiserait tous les droits, toutes les institutions et toutes les organisations sociales. On y perdrait au passage la diversité culturelle qui fait la richesse du monde, et sans doute aussi la démocratie puisque si tout le monde s’entendait sur les mêmes règles, il n'y aurait plus besoin d’aller voter pour fabriquer ces règles.

Les choses ont commencé à se compliquer dès 2001 avec les attentats du 11 septembre. La lutte contre le terrorisme a commencé à faire faire marche arrière à tous les gouvernements. On a commencé à contrôler davantage aux frontières, alors qu’on contrôlait de moins en moins. Plus récemment, la crise des migrants en Europe a fait voler en éclats l’idéologie d’un continent sans frontières ouvert sur un monde sans frontières. Alors qu’on disait qu’il était impossible de rétablir les frontières, on s’est mis en quelques mois à construire des barbelés, des postes-frontières et des murs pour empêcher les migrants de venir en Europe.

Les peuples se révoltent aussi contre l’absence de frontières économiques. On a vu l’expression la plus achevée de cette révolte aux États-Unis avec l’élection de Donald Trump, on a aussi vu l’expérience du Brexit, dont on nous avait promis qu’elle conduirait à une apocalypse économique. On voit bien les réticences contre les traités de libre-échange, des traités d’un genre nouveau non plus faits pour enlever les protections douanières mais plutôt pour uniformiser les règles. En économie, on continue de pousser vers le modèle unique, et en politique on appuie beaucoup sur la pédale de frein. La loi venant d’être rédigée par le ministre de l’Intérieur et établissant un délit de franchissement non autorisé de la frontière en est la dernière expression.

Il est intéressant de voir que désormais, la frontière est au cœur du débat puisqu'elle retrouve une matérialité juridique qu'elle était en train de perdre. Or, la frontière est essentielle. Pour reprendre une très belle expression de Régis Debray, un monde sans frontières, c’est comme une ville sans cadastre. Ce ne serait pas un monde de liberté mais de chaos. La frontière, ce n’est pas seulement l’affrontement, c’est une ligne juridique qui permet de rendre les conflits juridiques. Les conflits de frontières ne commencent pas toujours par la guerre, et c’est quand on ne sait pas où est la frontière que la guerre est le débouché le plus probable du conflit.

Aujourd'hui, l’immigration pose le problème de façon très claire. On a sans doute fait des progrès sur les entrées et sorties de territoire. Le solde migratoire en France selon l’Insee est estimé entre 60 et 70 000 selon les années. Dans les années 1960, c’était entre 200 et 300 000, même si c’est difficile à estimer. C'est sans doute encore trop élevé, et surtout la société et malade. Or, une société malade peut difficilement accueillir sans limite migrants économiques ou réfugiés.

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