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Débat présidentiel : Marine Le Pen remporte haut la main la bataille de l'intox

Par Jérémy Jeantet

Pendant près de trois heures d'échanges tendus avec Emmanuel Macron, Marine Le Pen s'est distinguée par ses nombreuses erreurs et approximations.

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Jamais un débat entre candidats du 2nd tour de l'élection présidentielle n'avait donné lieu à pareille tension. Mercredi soir, Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont débattu pendant près de trois heures, durant lesquelles la candidate du Front national aura tenté par tous les moyens de déstabiliser son adversaire, en avance dans les sondages. Quitte à s'affranchir de la réalité, comme le démontrent notamment la rubrique Les Décodeurs du Monde.

L'Union européenne ne coûte pas 9 milliards d'euros par an à la France

La candidate du Front national a été particulièrement offensive sur l'un de ses thèmes de prédilection, la critique de l'Union européenne. Faisant, depuis dix jours, de ce 2nd tour de la présidentielle, un duel entre "une patriote et un mondialiste", Marine Le Pen n'a pas manqué d'écorcher l'UE et d'attribuer à Bruxelles bon nombre des maux de la société.

L'Union européenne coûte 9 milliards d'euros par an à la France

Sur le plan économique, toutefois, elle a largement surévalué le coût, pour la France, de son appartenance à l'Union. D'après les chiffres communiqués par le Parlement européen, la France a contribué, 2015, au budget de l'UE à hauteur de 4,5 milliards d'euros par an, chiffre qui atteint 6 milliards d'euros en ajoutant d'autres contributions annexes. 30 % de moins, malgré tout, que le chiffre avancé par Marine Le Pen, de 9 milliards d'euros.

La mise en place de l'euro a entraîné une augmentation spectaculaire des prix

Autre contre-vérité avancée par la candidate frontiste, le fait que le passage à l'euro a entraîné une augmentation "spectaculaire" des prix en France. D'après les chiffres de l'Insee, la hausse des prix à la consommation est pourtant stable, en France, depuis 1990. 

L'euro n'existait pas dès 1993

Les grandes entreprises pouvaient payer en euro de 1993 à 2002

Pour appuyer son programme, Marine Le Pen s'est également servie d'exemples montrant le bien-fondé de ses propositions. Des exemples pas toujours à-propos. La candidate FN propose en effet de repasser à une monnaie nationale, tout en conservant l'euro comme monnaie commune et qui servirait pour les échanges des banques et des grandes entreprises, affirmant que c'était ce qui avait cours "entre 1993 et 2002", avant l'arrivée officielle de l'euro dans les porte-monnaies des Français. Ce qui n'était pas le cas. L'euro, sous une forme non matérielle, a été introduit en 1999, afin de laisser une période de transition avec les monnaies nationales. Mais pas depuis 1993. Et l'écu, qui avait cours auparavant, n'était en rien une monnaie commune.

L'économie britannique ne s'est jamais aussi bien portée depuis que les Britanniques ont décidé de reprendre leur liberté

Autre proposition de la candidate, la sortie de l'Union européenne qui pourrait être proposée aux Français en cas de négociations infructueuses avec les partenaires européens. Pour apaiser les craintes, Marine Le Pen prend en exemple l'économie du Royaume-Uni, qui "ne s'est jamais aussi bien portée que depuis que les Britanniques ont décidé de reprendre leur liberté". C'est aller un peu vite en besogne, puisque l'article 50, qui permet le déclenchement de la période de négociations d'une sortie de l'euro, n'a été déclenché outre-Manche qu'en mars dernier. Tout juste Marine Le Pen aurait-elle pu indiquer que l'effondrement des marchés annoncés avant le référendum britannique, en cas de victoire du Brexit, n'a pas eu lieu.

 

 

De 300 000 à 500 000 emplois ne sont pas accessibles aux Français car ils sont occupés par des travailleurs détachés

Souhaitant insister sur l'effet dévastateur de la directive européenne sur les travailleurs détachés en France, Marine Le Pen n'a pas hésité à largement gonfler les chiffres, évoquant de 300 000 à 500 000 emplois "remplis par des travailleurs détachés". Selon la Commission nationale de lutte contre le travail illégal, ils n'étaient, en 2015, que 285 025. Surtout, cela ne représentait, en moyenne, que 42 jours d'emplois par travailleur détaché. On est donc loin de la fourchette haute de la candidate, de 500 000 emplois stables et pérennes, qui échapperaient aux travailleurs français.

Marine Le Pen avait bien promis la retraite à 60 ans dans les deux mois suivant son élection

Plus qu'une intox, il s'agit là d'un recul non assumé. La candidate frontiste a expliqué mercredi soir vouloir ramener l'âge légal de départ à la retraite à 60 ans, avec 40 annuités, d'ici à la fin de son mandat. Un recul du calendrier, lui a fait remarquer Emmanuel Macron, selon qui Marine Le Pen proposait l'instauration de cette mesure sous deux mois. L'intéressée s'est défendue de tout recul. À tort puisque, dans un billet publié sur le site du Front national, la proposition figure dans ses "10 mesures concrètes, d'effet immédiat", qu'elle souhaitait prendre "dans les deux premiers mois" de son mandat.

Approximations aussi du côté d'Emmanuel Macron

Emmanuel Macron n'a pas non plus été irréprochable, mais est loin d'avoir atteint le palmarès de sa rivale. Le candidat d'En Marche ! affirmant que la France est le seul pays d'Europe à ne pas avoir mis fin au chômage de masse, a un peu vite oublié les 18 % de chômage ou les 11 % en Italie. Même chose lorsqu'il affirme que 20 % des élèves ne savent pas lire en CM2. C'est là résumer un peu trop brièvement les statistiques de l'éducation nationale, qui indique que 20 % des élèves ne maîtrisent pas toutes les compétences attendues, à savoir "dégager le thème d'un texte" ou encore y "repérer les informations explicites".

 

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