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Danièle Obono : le monde d'après "ça va être pire qu'avant"

Danièle Obono était l’invitée du “petit déjeuner politique” de Patrick Roger le 6 juillet 2020 sur Sud Radio, à retrouver du lundi au vendredi à 7h40.

Danièle Obono interviewée par Patrick Roger sur Sud Radio le 6 juillet 2020 à 7h40.

Jean Castex, fraîchement nommé Premier ministre, a visité les forces de l’ordre dans un commissariat de La Courneuve, ce qui en fait une de ses toutes premières visites de terrain. Quant à savoir si mettre l’accent sur la sécurité est une bonne idée, pour Danièle Obono, députée La France insoumise (LFI) de Paris, "si on pense qu’aujourd’hui la priorité c’est cela, oui". "Après tout, c’est un sarkozyste pur et dur", estime la députée. "On voit bien d’où vient cette priorisation."

 

Toutefois, elle juge qu’en "matière de santé, en matière économique" ou tout simplement pour "tenir compte de la situation particulière dans laquelle sont aujourd’hui les Français et les Françaises", il pourrait y avoir "d’autres choix à faire". Néanmoins, Jean Castex a bien été visiter une entreprise dans l’Essonne, montrant que l’économie est également une de ses priorités.

Jean Castex s’inscrit "dans la continuité de ce que fait le gouvernement depuis longtemps"

Pour elle, mettre l’accent sur la sécurité est le signe de sa proximité avec Nicolas Sarkozy : "je pense que dans le contexte actuel, c’est d’une certaine manière dans la continuité de ce que fait le gouvernement depuis longtemps". Danièle Obono souligne également que M. Castex était "accompagné de M. Lallement [le Préfet de Paris, NDLR], un préfet désormais fameux pour ses consignes absolument problématiques". "Je crois que c’est le signal qu’il voulait envoyer, et tout le monde l’a compris comme ça."

"La période Sarkozy, c’est aussi mettre du bleu partout et pas donner les moyens à la police républicaine de faire son travail", critique la députée de La France insoumise.

"Les policières et policiers républicains, en ont peut-être assez d’être utilisés comme des symboles"

Durant le mandat présidentiel de Nicolas Sarkozy, la police de proximité avait été supprimée, une décision regrettée par les premiers concernés. Depuis, les appels à la remettre en place se multiplient : "je pense que c’est ce que disent tous les agents", juge la députée de Paris. "Le problème c’est le turn-over incessant, le fait qu’on leur donne des taches qui ne sont pas les leurs, et qu’en fait il n’y a pas assez de présence sur le terrain, il n’y a pas assez de moyens pour faire un vrai travail d’investigation".

"Les politiques instrumentalisent cela en faisant de la communication : on veut mettre du bleu pour essayer de rassurer." Or, elle juge qu’il ne faut pas oublier que l’objectif de la Police est la protection de la population et que, pour cela, "il faut former, il faut rouvrir des écoles" et non "faire un passage médiatique dans un commissariat". "Les policières et policiers républicains, en ont peut-être assez d’être utilisés comme des symboles d’une politique du tout sécuritaire qui vide complètement de sens leur travail."

L’extrême droite a "réussi à imposer le thème du racisme antiblanc"

La députée LFI a publié un tweet qui a fait polémique, le 3 juillet 2020, dans lequel elle parle de Jean Castex comme un "homme blanc de droite bien techno et gros cumulard". Sur les réseaux sociaux, les réactions négatives et les attaques directes envers l’élue se sont multipliées, mais elle ne regrette pas : "Pourquoi je le regretterais ?"

Elle décrit les réactions comme "les réactions de la fachosphère habituelle et de tous ceux qui leur emboîtent désormais le pas pour stigmatiser toute parole qui remette en cause la reproduction des élites". Par ailleurs, elle ne juge pas que pointer du doigt le fait que Jean Castex soit "blanc", soit "un stigmate" tout en précisant que "l’ensemble du propos n’insistait pas particulièrement là-dessus". "C’est la focalisation particulière de cette extrême droite là", juge Danièle Obono qui souligne que l’extrême droite, pour elle, a "réussi à imposer le thème du racisme antiblanc, aujourd’hui repris à droite et à gauche parmi ceux que j'appelle les tartuffes du républicanisme". "La question qu’on devrait se poser c’est : ‘est-ce qu’il n’y a pas là une forme de reproduction sociale particulière ?’"

Discrimination des femmes : "les plafonds de verre existent"

D’après des statistiques de Médiapart citées par la députée de La France insoumise, les élections municipales 2020 ont élu "80% des maires" hommes. "On peut pointer le problème du plafond de verre qui existe aujourd’hui en matière de discrimination des femmes pour accéder aux fonctions". "Les plafonds de verre existent."

Et si elle se félicite de l’élection de nombreuses femmes à la tête des mairies de grandes villes, elle tient à souligner que "ça ne représente que 20%". "On peut avoir un débat sur le problème de la représentation et des plafonds de verre et comment, dans les plus hautes fonctions électives ou nominatives", que ce soit au niveau politique ou dans les entreprises et les médias. "C’est ce que disent toutes les enquêtes sur la représentation dans l’espace politique, dans les élites françaises. C’est vieux comme Bourdieu."

Jean Castex a "participé à la casse de l’hôpital public"

Alors que le nouveau gouvernement va être présenté le 6 juillet 2020 dans la journée, Danièle Obono confie : "je n’attends rien, c’est un gouvernement de droite au service de M. Macron". Elle rappelle que Jean Castex a "participé à la casse de l’hôpital public" en ayant été "à la manœuvre pour imposer la T2A, la tarification à l’activité". Cette réforme est "à l’origine des 17.000 lits en moins dans les hôpitaux, ce que contestent et ce que pointent les soignants en grève depuis plus d’un an pour dire que c’est ça qui a participé à mettre à genoux l’hôpital public".

Édouard Philippe "est potentiellement pour la droite une alternative à Macron"

Concernant le rôle que Jean Castex aura dans la politique d’Emmanuel Macron, il pourrait être celui d’un simple exécutant : "c’est un peu le rôle du Premier ministre dans la Ve République", estime la députée de Paris. "Il va mettre en œuvre, mettre en musique ce qu’il faut. Il va essayer d’assurer une forme de continuité au milieu de la préparation de la précampagne présidentielle d’Emmanuel Macron." Car, pour elle, il est clair que le président de la République est en train de préparer sa candidature.

"On en est au je ne sais pas combientième tournant qui donne un peu le tournis parce que tous les six mois à peu près il faut qu’il se réinvente, ce qui dit quand même un peu beaucoup de l’usure. Et le monde d’après, en fait, ressemble étrangement au monde d’avant."

D’ailleurs, selon Danièle Obono, "le départ de M. Philippe participe de ça, d’écarter quelqu’un qui a acquis une visibilité qui pourrait en faire une alternative à droite". Si elle juge que les deux hommes étaient "très très impopulaires", "l’un l’était moins que l’autre" précise la députée en parlant d’Édouard Philippe. "Aujourd’hui, il est potentiellement pour la droite une alternative à Macron qui quand même s’est pas mal décrédibilisé".

"Le pouvoir exécutif, la représentation nationale, est suspendu au choix de M. Macron"

Selon les informations obtenues par la presse, Jean Castex ne devrait pas prononcer son discours de politique générale avant l’intervention d’Emmanuel Macron prévue le 14 juillet 2020, à l’occasion de la Fête nationale. "C’est l’ordre hiérarchique de la Ve République qui s’applique là", estime la députée. "Le problème c’est que, du coup, l’Assemblée nationale et les parlementaires sont un peu suspendus, dans l’attente déjà d’avoir un gouvernement" et de continuer leur travail. Pour elle, cette situation souligne "le problème de cette Ve République" où "le pouvoir exécutif, la représentation nationale, est suspendu au choix de M. Macron".

"Ils nous remettent sur la table une des réformes les plus décriées du quinquennat"

Emmanuel Macron a parlé d’un nouveau gouvernement de rassemblement, mais selon Danièle Obono il ne serait pas allé jusqu’à convier La France insoumise : "je ne crois pas qu’il ait appelé qui que ce soit de La France Insoumise". Elle, en tout cas, n’a "pas reçu d’appel de ce type-là".

"Le problème c’est que de plus en plus de gens se rendent compte que ça va être non pas comme avant, mais pire qu’avant" et ce "sur tous les niveaux". Elle critique notamment la volonté d’Emmanuel Macron de poursuivre la réforme des retraites malgré la crise traversée par la France et le monde. "La population sort d’une épreuve assez traumatique" à laquelle va suivre une crise majeure économique et sociale "et ils nous remettent sur la table une des réformes les plus décriées du quinquennat". La députée de Paris juge qu’il faut tout simplement l’abandonner.

La décision de poursuivre la réforme, pour la députée, dit "quelles sont les priorités de ce gouvernement antisocial, antiécologique et sécuritaire". "On a Sarkozy-bis."

"La France insoumise exprime ses condoléances aux proches, aux collègues de cette gendarme"

Alors que La France Insoumise a largement parlé des violences policières et de l’affaire Traoré, aucun élu ne semble avoir exprimé de soutien à la famille et aux collègues de Mélanie Lemée, gendarme tuée par un chauffard lors d’un contrôle le week-end du 4 juillet 2020. Un mutisme qui pourrait être interprété comme une absence de soutien aux forces de l’ordre, ce que réfute Danièle Obono : "bien sûr que nous soutenons les forces de l’ordre".

Sur son absence de tweet, elle se justifie "moi, ces derniers temps, j’ai plus reçu des alertes et j’étais plus occupée à nettoyer les fils Twitter remplis d’injures racistes et sexistes qu’autre chose". "Mais si vous me posez la question de savoir est-ce que nous exprimons notre solidarité et notre soutien, oui, bien sûr, comme nous l’avons fait à chaque fois que c’est arrivé. C’est une terrible tragédie".

Danièle Obono ne veut pas que soit cherchée "une polémique", mais elle répète que "La France insoumise exprime ses condoléances aux proches, aux collègues de cette gendarme et assure de notre solidarité".

 

 

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