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Irlande du Nord : Martin McGuinness, figure emblématique de l'IRA, est décédé

Par Mathieu D'Hondt

L'ancien leader de l'IRA et vice-Premier ministre d'Irlande du Nord, Martin McGuinness, est décédé dans la nuit de lundi à mardi à l'âge de 66 ans.

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Il était l'une des figures emblématiques de la résistance nord-irlandaise face à la couronne britannique, lui le commandant repenti de l'IRA (Irish Republican Army) qui avait fait le choix de déposer les armes pour se ranger du côté de la paix. Martin McGuinness est décédé la nuit dernière à l'âge de 66 ans. Autant adulé dans son pays que détesté par une partie des Anglais, celui qui avait démissionné de son poste de Premier-ministre en janvier dernier, pour des raisons de santé, aurait succombé à une maladie cardiaque, selon les médias britanniques.

L'enfant de Derry

Né le 23 mai 1950 à Derry, James Martin Pacelli McGuinness grandit au milieu d'une famille de 7 enfants dans le fief catholique du Bogside à l'ouest de la ville, lieu de la tristement célèbre bataille du même nom en 1969. Un lieu profondément marqué par l'antagonisme entre catholiques et protestants qui va grandement façonner la conscience politique de ce fils d'ouvrier. Après avoir renoncé à l'école à l'âge de 15 ans, il se voit par la suite refuser un poste d'apprenti mécanicien en raison de sa religion catholique. Un épisode discriminant et traumatisant qu'il vivra comme un déclic. Il s'engage alors dans la voie du militantisme et rejoint dès sa majorité, en 1968, le mouvement catholique des Droits civiques avant d'intégrer, deux ans plus tard, le parti des Républicains nationalistes du Sinn Féin. Charismatique et populaire, il incarne déjà à l'époque la figure d'un résistant et d'un révolutionnaire à l'instar du "Che", auquel il emprunte certains codes vestimentaires dont le fameux béret "guérillero".

En 1969, il franchi le pas et choisi la lutte armée en rejoignant les rangs de l'IRA, l'Irish Republican Army qui lutte depuis 40 ans contre la couronne britannique et le traité de séparation de l'Irlande. Son ascension sera fulgurante. Choisissant, après la scission de décembre 1969, de continuer le combat au sein de l'IRA provisoire (PIRA), il en devient le commandant et le numéro 2 à seulement 22 ans en 1972, lorsqu'éclatent les terribles événements du Bloody Sunday le 30 janvier, au cours duquel 13 républicains seront abattus par la police britannique à Derry. Un drame qui inspirera la chanson éponyme du célèbre groupe de rock U2. McGuinness avouera lui-même publiquement son grade en 2001, brisant ainsi le secret imposé à chaque membre et prévu par le code d'honneur de l'armée.

L'ennemi de la couronne devenu pacifiste

Jamais inquiété pour ses responsabilités militaires au sein de l'IRA provisoire, il sera finalement condamné à 6 mois de prison en 1973 après avoir été arrêté alors qu'il circulait dans un véhicule en possession d'une centaine de kilos d'explosifs, ainsi que de 5 000 munitions. Profitant de la tribune que lui offre son procès, il déclare lors de l'audience être "très fier" d'être un membre de l'IRA et affirme qu'il se "bat contre l'assassinat de [son] peuple". Cette déclaration lui vaut la vindicte de la presse britannique qui en fait la cible publique prioritaire, en le désignant comme le "plus dangereux ennemi de la couronne".

Mais ce que tout le monde ignore à l'époque, c'est que McGuinness oeuvre déjà en coulisses pour un rapprochement avec Londres. Ainsi, dès 1972, il rencontre secrètement des membres du gouvernement britannique et ouvre progressivement la voie à une solution pacifiste du conflit. À sa sortie de prison, jouissant d'une autorité indiscutable et indiscutée, il devient le chef de l'État major de l'organisation para-militaire qu'il dirigera jusqu'en 1982, date à laquelle il sera élu membre de l'Assemblée nord-irlandaise, entamant ainsi son ascension au sein du Sinn Féin, la branche politique de l'IRA.

Acteur majeur des négociations ayant abouti aux cessez-le-feu de 1994 et 1997, McGuinness sera dans la foulée élu à la Chambre des communes du Parlement de Westminster à Londres, mais refusera d'y siéger en raison de son refus de prêter allégeance à la Reine et au Royaume, dont il ne reconnaît pas l'autorité sur l'Irlande du Nord. Désigné par son parti négociateur en chef, il mène ensuite les discussions qui déboucheront sur l'accord historique du vendredi saint le 10 avril 1998, mettant ainsi fin à trente années de conflit meurtrier.

Vice-Premier ministre de l'Irlande du Nord depuis 10 ans, après avoir été notamment ministre de l'Éducation entre 1999 et 2002, MCGuinness était perçu comme un combattant repenti qui avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour apporter la paix sur sa terre natale. En juin 2012, comme pour boucler la boucle, il avait accepté une poignée de main symbolique et historique avec la reine Elizabeth II, celle qui représentait tout ce contre quoi il s'était battu durant ses années de militantisme. Il laisse derrière lui 4 enfants et un pays pacifié.

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