Le PDG déchu du groupe Renault-Nissan, assigné à résidence au Japon, s'est échappé jusqu'à Beyrouth (Liban), dans la nuit du 30 au 31 décembre. Une opération rocambolesque qui lui a permis de rejoindre son épouse, qu'il n'avait pu voir qu'une heure sur Skype, depuis sa libération en avril dernier. Un nouvel épisode d'une longue série de rebondissements dans une affaire hors norme.
À qui profite le crime ?
Bertille Bayart, journaliste au Figaro économie, est persuadée que l'arrestation de Carlos Ghosn en novembre 2018 "avait servi la cause de ceux qui souhaitaient que Nissan prenne plus d'indépendance vis-à-vis de Renault". Une théorie qui "n'empêche pas qu'il ait pu se piéger lui-même, c'est à dire d'avoir franchi la ligne jaune ou d'avoir joué avec les règles dans la façon dont il dirigeait l'entreprise", explique la journaliste.
Depuis plus d'un, Carlos Ghosn est accusé à la fois d'avoir dissimulé des rémunérations, d'abus de confiance aggravé et de détournement de fonds, "ce qui est plus grave devant la justice". Depuis son arrestation, l'homme d'affaires dénonce ses conditions de détention et son traitement judiciaire dans un pays "assez dur dans lequel c'est la condamnation qui est recherchée", précise Bertille Bayart.
"La possibilité de s'innocenter est extrêmement faible"
En effet, le système judiciaire japonais a pour réputation de "condamner 99% des gens mis en examen", relate la journaliste. "Je ne sais pas si c'est de l'efficacité ou une justice de l'otage, mais la possibilité de s'innocenter une fois entré dans ce système est extrêmement faible", juge-t-elle. Comme l'explique Bertille Bayart, le système est en effet bien différent de la France. "Une garde à vue peut durer plusieurs semaines avec des interrogatoires qui se font sans avocat". Pour sa part, Carlos Ghosn est resté pendant deux mois en garde à vue. Les conditions de son contrôle judiciaire sont assez étroites, "ce qui le gênait le plus c'était le fait de lui interdire de voir sa femme", rapporte la journaliste qui souligne que depuis le mois d'avril, "il n'a pu lui parler qu'une heure sur Skype".
Des conditions que l'on peut mettre sur le dos du système japonais certes, mais aussi sur les enjeux de cette procédure. "Le fait d'être un inculpé aussi célèbre dans un dossier aussi retentissant qui a autant d'enjeux à la fois économiques, politiques, diplomatiques, ne peut pas donner lieu à un dossier normal", note Bertille Bayart. Mais pour elle, "ce qui s'est passé durant son interpellation reste plus ou moins troublant". La journaliste rapporte que depuis, "on a eu pas mal d'indices qui témoignent que la volonté d'indépendance de Nissan a été extrêmement influente dans cette affaire".
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