Hier, le Parisien a fait sa une sur Olivier Duhamel.
Une « Une » qui fait peur. Proprement dégueulasse à vrai dire, en gros titre : “Inceste. Duhamel, l’homme cloîtré".
Sur la photo plein pot, le politologue est masqué et coiffé d’une casquette. La légende est explicite : “Olivier Duhamel sortant son chien rue de Bièvre à Paris, où il est domicilié”.
Quelle est l’information là-dedans ? Olivier Duhamel possède un chien qui a des besoins naturels. Dans l’article, on y comprend que le politologue vit reclus. Hier, une dame est venue chercher le chien pour le ramener à 17 heures. Avant, il mangeait dans tel restaurant italien. Les deux limiers du Parisien espionnent l’homme déchu et s’en vantent. Ils harcèlent les voisins, parle d’une omerta, comme si la délation était un devoir - et pour dénoncer quoi ? - Autrement dit, c’est ni plus ni moins que du journalisme d’investigation dans les poubelles.
Ça n’a peut-être aucun intérêt mais est-ce si grave ?
Oui, ça frôle l’appel au lynchage ! Sachant que la rue de Bièvre fait 150 mètres de long, autant placarder des affiches barrées de la mention “Wanted” ou la photo de Duhamel surmontée d’une cible. Que veulent-ils ? Qu’on lui crache dessus ? Qu’un croisé de l’enfance maltraitée se fasse justice lui-même ?
On sent un appétit de guillotine. On glose sur ce quartier peuplé de figures de la Mitterrandie (il doit sûrement y avoir un complot de satanistes pédophiles derrière ces murs tant qu’on y est). Tout cette tendance de l’époque fait appel à nos pires instincts, comme la jouissance de voir un puissant à terre.
On peut le déplorer mais ces méthodes sont répandues...
Sauf qu’elles ne le sont pas à ce point de cynisme. Certes, Paris Match était allé traquer Matzneff dans son hôtel italien, ce qui n’était vraiment pas glorieux. Mais ils n’avaient pas donné le nom de la ville.
Jean-Baptiste Roques, rédacteur en chef de Front Populaire, me souffle que, depuis l’enlèvement du petit-fils Peugeot en 1960 dont les ravisseurs avaient appris l’adresse dans les journaux, il y a un gentleman’s agreement des médias : on ne donne pas les adresses. Quand des internautes malveillants diffusent celle d’une journaliste, toute la profession hurle, alors qu’avec Duhamel, tout est permis. Plus de vie privée, plus de droits, même pas celui de sortir de chez lui. On a plus de compassion pour un assassin. Alors, coup de chapeau à l’avocat Jean Veil qui donne à l’article son unique touche d’humanité : “Je n’excuse pas Olivier. Ce qu’il a fait est grave et condamnable. Mais il reste mon ami”. Un peu d’honneur ne nuit pas.