Le lundi 9 avril, ce sont 2 500 CRS qui sont intervenus. Pour 250 zadistes. Tout le monde parlait d'excès, de marteau pilon pour écraser une mouche. Et justement, il s'agissait de cela. Plier le match immédiatement. Mais surtout, le gouvernement avait une stratégie : cibler les occupants les plus violents, ceux qui sont là pour en découdre avec les forces de l'ordre, et plus largement avec l'État. Ceux-là, ce sont des anarchistes venus d'un peu partout et qui se greffent sur n'importe quel conflit. C'est pour ça que la communication gouvernementale a bien insisté dès le début sur le fait que tout le monde ne serait pas évacué, que ceux qui le voulaient pouvaient déposer des dossiers pour faire régulariser leurs projets.
Pourquoi ça n'a pas marché ? Aujourd'hui, on a sur la ZAD environ 500 personnes de plus que la semaine dernière, arrivées en renfort ce weekend. Pourquoi ? Parce que le gouvernement a commis une erreur psychologique. Il a sous-estimé le continuum qui existe entre les gentils écolos désireux d'inventer des projets sur un mode coopératif et les idéologues violents qui prônent la fin des frontières, des États et de l’ordre.
Certains diront que justement, l'État est légitime pour faire respecter la loi. Sauf qu'il y a une différence entre légitimité et efficacité politique. En détruisant la ferme des 100 noms, considérée par les zadistes comme un symbole de leur utopie en marche, le gouvernement leur a offert un étendard. Et la preuve supposée de sa duplicité. Un zadiste qui veut monter son projet d'organisation collective ne peut pas s'inscrire dans la procédure administrative telle qu'elle était proposée. C'est déjà un cauchemar pour les vrais paysans, avec des projets plus classiques… Et puis, idéologiquement, ils veulent prouver qu'ils refusent ce système de contrôle administratif. Pour les gagner petit à petit, il fallait donc concéder un peu sur ce plan-là pour éviter la jonction avec les autres, les anarchistes violents et entraînés à la guérilla. Les coups de menton, ça donne l'échec de l’opération César et l'on se retrouve assez vite dans la peau de Manuel Valls. Alors, il n'est pas question d'avoir la moindre sympathie pour des jeunes gens qui contestent le système sauf quand il leur verse le RSA grâce au travail des gens qui, eux, respectent la loi, mais de fait, à vouloir jouer sur les symboles pour plaire aux petites gens, qui n'ont pas forcément la moindre tendresse pour les dread locks et les Nuit Debout campagnards, le gouvernement a perdu une occasion d’être intelligent.
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