Les jeux vidéos vont peut-être faire leur entrée aux JO.
La question est posée avec le plus grand sérieux, les autorités olympiques en discutent, les médias en débattent. Les JO sont aussi une affaire commerciale.
2 milliards de consommateurs de jeux vidéos et, selon certaines estimations, au moins 200 millions d’adeptes, presque professionnels. Les chiffres sont incertains, mais les ordres de grandeur assez réalistes si on regarde autour de soi.
La fuite vers le virtuel est exponentielle, nourrie par une accoutumance qui ressemble à celle des drogues dures. Les passionnés ne peuvent plus s’en passer, une fois de plus pour le meilleur et pour le pire, avec des cas qui deviennent pathologiques.
La fiction, comme l’artificiel, font partie de notre vie. Qu’est-ce que l’art, la littérature, la poésie, le théâtre, le cinéma, la télévision, sinon des fictions qui nous aident à vivre et, étrangement, à rester humain.
Imaginons la vie sans la fiction romanesque, théâtrale, poétique, sans les mythes, les légendes, les histoires que se racontent les hommes depuis toujours. Le JV, c’est la fiction plus le vertige du jeu. C’est le retour de la fête et du jeu archaïque avec leurs violences exutoires, mais pas pour de vrai, sauf quand le joueur devient fou et se met à tirer dans la rue.
Pour les JO, ne nous y trompons pas, c’est d’abord d’audience dont il est question, en particulier de l’audience des jeunes.
C’est le paradoxe de l’olympisme dans le monde actuel.
Fidèle à l’esprit de Pierre de Coubertin, la charte olympique proclame que l’olympisme se veut créateur d’un style de vie, fondé sur la joie dans l’effort, la valeur éducative du bon exemple, la responsabilité sociale et le respect des principes éthiques fondamentaux universels.
Nul mercantilisme et les athlètes ne sont pas rémunérés. Mais en même temps, les JO, ne serait-ce que par les moyens matériels qu’exige leur organisation, sont devenus une énorme affaire commerciale et financière. Le coût final des Jeux de Pékin s’est élevé à 31 milliards d’euros. Celui des JO de Sotchi à 36 milliards d’euros.
Ces milliards sont à la recherche d’un public, d’où la tentation des jeux vidéos.
Si le calcul est purement économique, oui, sinon, il y a un problème quant à la signification même des jeux. On peut toujours dire que les champions de jeux vidéos ont la même préparation, de concentration, de discipline, que les athlètes de haut niveau. En plus, les championnats de jeux vidéos se déroulent dans des stades.
Mais on est quand même un peu loin de l’idéal olympique qui exalte en un ensemble équilibré les qualités du corps, de la volonté et de l’esprit.
Dans le sport, il y a l’esprit sportif, les valeurs du sport, mais qui sont indissociables du corps, d’une dimension corporelle, physique. Le sport, c’est le lien que la civilisation tisse entre le corps et l’esprit. Dans les jeux vidéos, il y a peut-être l’esprit, les réflexes, la volonté, mais il n’y a pas le corps, en tout cas pas comme dans le sport.
Ce n’est pas une question de valeur, mais de rapport à la nature et à notre nature. C’est une question philosophique et morale fondamentale. C’est aussi pour cela que le dopage est si scandaleux.
C’est une question qui concerne la place, le statut et l’exemplarité du sport dans notre société. Laissons le sport être phagocyté par le virtuel et ce sera rompre un peu plus, un peu trop avec la nature, effacer un peu trop la frontière entre l’humain et le non-humain. Et après ? Les robots aux Jeux Olympiques ?
Écoutez l'édito d'Henri Guaino dans le Grand Matin Sud Radio, présenté par Patrick Roger et Sophie Gaillard