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Leclerc : "Je suis prêt à acheter plus cher, mais l’État doit assurer un cadre légal"

Par Benjamin Jeanjean

Document Sud Radio. En pleine crise du pouvoir d’achat des producteurs agricoles, Michel-Édouard Leclerc assure au micro de Sud Radio ne pas être opposé à une augmentation des prix. À certaines conditions.

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Depuis plusieurs mois maintenant, les éleveurs haussent le ton sur leurs conditions de travail et notamment leurs revenus, parvenant – pour la plupart – tout juste à dégager des marges infimes pour vivre de leur métier. Dans ce contexte, la grande distribution est souvent pointée du doigt par le grand public pour se faire de l’argent sur le dos des producteurs. Mais les poids lourds du secteur sont-ils les seuls fautifs au sein de la chaîne de production ? Au micro de Sud Radio, Michel-Édouard Leclerc, PDG du groupe Leclerc, met les points sur les i.

"Je suis pour une augmentation des produits agricoles. Mais pour cela, il faut un cadre légal. C’est à l’État de dire de combien on augmente les prix d’achat. Les centres Leclerc ne sont absolument pas opposés ni à un changement du cadre légal, ni au fait que l’État ou une autorité publique décrète un prix minimum sur les productions de lait, de viande ou de fruits et légumes. Il n’y a aucun problème là-dessus, même d’un point de vue concurrentiel ! Si toutes les enseignes de distribution et de restauration achètent plus cher mais sans discrimination, ça n’altère pas la vie de nos entreprises", assure-t-il d’emblée.

"Les paysans se font balader par des distributeurs"

Le patron du géant français de l’agroalimentaire soulève toutefois quelques questions. "La question que je me pose, c’est pourquoi certains ont-il imaginé qu’on devrait augmenter le prix du dentifrice, du shampooing ou du Ricoré (alors qu’on ne produit pas de café en France) sans dire comment tout cela ira au monde paysan. Je pense que les paysans se font balader par des distributeurs et des industriels de l’agroalimentaire", déclare-t-il. "Les consommateurs sont prêts à acheter plus cher des biens de meilleure qualité, tracés, garantis sur le plan sanitaire, produits près de chez nous, etc. Mais cette manière d’opposer le consommateur et le paysan est très bizarre", ajoute-t-il.

Une augmentation du prix des produits agricoles pourrait-elle pousser Leclerc à augmenter ses prix ? Pas nécessairement, selon Michel-Édouard Leclerc. "Le monde paysan ne demande pas l’aumône, il demande un juste prix. Si les pouvoirs publics disent que le prix du porc ne doit pas être en-dessous de 1,40€ sur le cours français, pas de problème ! Ce n’est pas un problème en soi. Même nous, on peut réduire nos marges pour amortir une partie de cette hausse. On peut le faire intelligemment pour ne pas perdre nos consommateurs et pour accompagner tout ça. Leclerc ne s’oppose pas à la revalorisation des prix d’achat agricoles. Ce à quoi nous nous opposons, c’est cette entente entre industriels, grandes multinationales et quelques distributeurs (qui ont besoin de faire remonter le cours de bourse) pour décréter des marges minimales sur l’ensemble des produits de consommation courants. Ça a un impact sur le consommateur que l’UFC-Que choisir a chiffré à 1,4 milliards d’euros, il me semble. Si un homme politique veut assumer cela, qu’il l’assume, mais je n’ai pas lu ça dans les programmes électoraux avant les élections", explique-t-il.

"Leclerc est prêt à acheter plus cher, mais aujourd’hui je n’ai pas le droit"

L’homme d’affaires se défend par ailleurs de toute politique tarifaire abusive envers les consommateurs ou les producteurs, prenant pour témoin… la concurrence. "Aujourd’hui, en France, Monoprix est 17% plus cher que Leclerc, mais il n’achète pas 17% plus cher aux producteurs ! On ne peut pas s’entendre avec un producteur pour acheter plus cher sans un cadre légal, sinon c’est une entente prohibée par la loi. Je le répète : Leclerc est prêt à acheter plus cher, mais il faut que la puissance publique et les députés nous assurent un cadre légal. Aujourd’hui, je n’ai pas le droit de faire ça", martèle-t-il.

Entre des producteurs aux abois et une grande distribution visiblement pavée de bonnes intentions, les fautifs sont-ils à chercher ailleurs ? "Bien sûr qu’il y a des marges trop élevées au milieu de la chaîne. Il y a des commerçants qui se sucrent, des coopératives qui ne disent pas vraiment à leurs producteurs combien elles touchent du distributeur. La plupart des enseignes de distribution n’achètent pas de produits à la ferme, il y a donc beaucoup d’intermédiaires et le producteur est parfois à l’aveugle par rapport aux prix du marché, ce dont on ne peut pas lui en vouloir", répond Michel-Édouard Leclerc.

Propos recueillis par Charles Bonnaire.

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