Par son parcours, fils de métallurgiste, chauffeur de taxi et lui-même chef d’entreprise, Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, chargé des Petites et Moyennes Entreprises, ne doute pas que le milieu des TPE-PME, il le connaît. S’il concède qu’on "a toujours à apprendre", "je pense assez bien connaître ce secteur des entreprises". "Néanmoins, je resterai à l’écoute des entreprises", avec des déplacements comme celui prévu ce vendredi 10 juillet 2020.
"Les prochaines semaines, prochains mois risquent d’être difficiles"
La nomination du nouveau ministre délégué, le 6 juillet 2020, tombe à un moment difficile pour l’économie française. "Toutes les statistiques démontrent que les prochaines semaines, prochains mois risquent d’être difficiles." Pour autant, il estime qu’il faut "surtout avoir la perspective de l’après" et "donner des perspectives positives tout en disant que le gouvernement va écouter et s’adapter aux besoins des entreprises".
Pour le ministre, l’écoute et l’adaptation par le gouvernement ont été très bien faites "pendant 4 mois", au centre de la crise sanitaire. "Les mesures ont permis de maintenir le tissu d’entreprises, il faut continuer." Il juge qu’il faut "trouver les bons outils pour répondre aux besoins de chacun".
"Je crois qu’aujourd’hui on est dans une période de reprise"
Les entreprises se demandent toutefois quels seront les outils déployés par le gouvernement pour la relance. "On voit bien, il y a 4 piliers qui ont été ouverts : le fonds de solidarité, les cotisations sociales, l’activité partielle et le fait de regarder si dans tel ou tel secteur il y a des besoins particuliers."
"Je crois qu’aujourd’hui on est dans une période de reprise", estime Alain Griset qui précise toutefois qu’elle est inégalitaire selon les secteurs. De fait, "il faudra s’adapter pour répondre à tous les besoins". "L’objectif du gouvernement, c’est de répondre à chacun pour qu’on trouve des solutions adaptées."
Le PLFR 3 va "pour confirmer l’exonération de cotisations sociales dans certains secteurs"
Parmi les mesures avancées et demandées, il y a la pérennisation de l’annulation des charges sociales. Alain Griset est plutôt d’accord. "Dans le PLFR 3 [Projet de loi de finances rectificatif, NLDR], il va y avoir des décisions pour confirmer l’exonération de cotisations sociales dans certains secteurs." De plus, Bruno Le Maire a déclaré que "au-delà de ces secteurs, les cas particuliers seraient regardés".
"En fonction de l’évolution de la situation, nous regarderons pour voir si cette solution-là est la meilleure."
"L’économie c’est l’ensemble des entreprises"
Le plan de relance va se concentrer sur les PME, mais pas seulement : "toutes les entreprises" seront au centre de la relance. "L’économie c’est l’ensemble des entreprises, on a besoin de grandes entreprises, de petites entreprises, de moyennes." L’ensemble de toutes ces entreprises permettra à l’économie française d’être "forte".
"Il y a une sorte de devoir civique d’accompagner les jeunes"
L’emploi des jeunes est un sujet majeur, entre limitation de la hausse du nombre de chômeurs et relance. L’exonération des charges pour les jeunes a été évoquée, mais pour l’instant rien n’a été acté. Toutefois, Alain Griset souligne que des décisions ont déjà été prises sur ce plan. "Il y a déjà eu des mesures qui ont été prises pour l’apprentissage", notamment des aides de 5.000 euros pour les mineurs et de 8.000 euros pour les majeurs. "Pour un chef d’entreprise, le fait de prendre un apprenti ne coûte quasiment rien" en termes d’argent. "Ça coûte le temps qu’on va y passer pour le former."
Néanmoins, pour l’instant, aucun chiffre de l’efficacité et du succès de ces aides n’a été avancé, car "la mesure prenait effet au 1er juillet" et qu’il est donc trop tôt pour tirer des conclusions. "Je pense qu’il y a beaucoup de collègues qui ont un peu attendu la mise en œuvre de la mesure pour se déterminer". Toutefois, il est confiant, car "dans les secteurs dont je suis en charge, l’apprentissage est quelque chose de naturel".
Il concède que "pour les collègues, ça n’a pas été la première priorité", les entreprises pensant surtout à "reprendre l’activité". "Il faut les mobiliser pour qu’ils se mettent à avoir une perspective positive et prendre des apprentis : je les encourage à le faire." "Il y a une sorte de devoir civique d’accompagner les jeunes", souligne le ministre. Mais "c’est aussi l’avenir" qui est en jeu par la formation des jeunes : cela leur permettra "d’avoir des salariés", mais également de faciliter "la reprise d’entreprise".
Tous ceux qui créent leur entreprise "sont essentiels"
Les créations d’entreprise, poussées entre autres par la création du statut d’autoentrepreneur, sont en forte croissance depuis des années en France. "L’esprit d’entreprise est quelque chose qui s’est beaucoup développé." Pour le ministre, "se mettre à son compte", expérience qu’il a lui-même vécue avec succès, est "quelque chose qui est valorisant, qui permet de faire ce qu’on aime et qui donne des perspectives". "Je pense que l’esprit d’entreprise est quelque chose de positif."
"Cette crise a démontré quelque chose : c’est que l’entreprise doit être prioritaire." Comme il l’explique, sans entreprises il est difficile d’avoir "de la protection sociale" et de "développer la protection des Français".
"Tous ceux qui créent leur entreprise, on doit considérer que ce sont des hommes et des femmes qu’il faut accompagner, qu’il faut protéger, parce qu’ils sont essentiels." Et ce "quelle que soit leur taille", car, comme le rappelle Alain Griset, "quand vous créez une entreprise, vous avez une personne". Et si certains "restent seuls, et c’est respectable", d’autres entreprises "se développent". "Toutes les entreprises importantes ont commencé petites."
"Quand on crée son entreprise, on n’embauche pas s’il n’y a pas de travail"
Pour autant, il est évident que de nombreuses entreprises sont réticentes à embaucher des salariés, du fait de l’engagement et des frais que cela implique. Une tendance renforcée par la situation compliquée que connaît l’économie française avec cette crise majeure. "Il peut y avoir cette interrogation, elle est légitime, elle existe et elle a toujours existé."
"Le fait d’embaucher, ça veut dire d’abord qu’il y a du travail", explique Alain Griset. "Quand on crée son entreprise, on n’embauche pas s’il n’y a pas de travail" ce qui fait que "la perspective d’une embauche" est "un engagement". Mais cette crainte n’est pas la seule raison qui peut pousser un chef d’entreprise à ne pas embaucher : "il y a un tas de personnes qui considèrent que travailler seules c’est bien". Une tendance quasiment majoritaire puisqu’elle représente "la moitié des entreprises".
Pour le ministre délégué, toutefois, "il y a un cercle vertueux dès qu’il y a la première embauche : après ça peut continuer". "J’encourage les collègues qui peuvent à embaucher." Mais il ne critique pas les entrepreneurs qui n’embauchent pas.
Le système des retraites "n’est pas juste, tout le monde le constate"
Jean Castex, nouveau Premier ministre, a déclaré à maintes reprises vouloir relancer la réforme des retraites, laissée de côté à cause de la crise sanitaire. Pour lui, c’est une priorité, alors que pour la majorité des partenaires sociaux, ce n’en est pas une. "Il y a quelques semaines, j’étais parmi les partenaires sociaux" puisqu’il était à la tête de l’U2P, l’Union des entreprises de proximité. "C’est vrai que, globalement, les partenaires sociaux disaient ‘nous n’avons pas demandé cette réforme des retraites’". Mais il précise que les partenaires sociaux disaient également que la réforme était nécessaire "parce que le dispositif, globalement, n’est pas juste, tout le monde le constate".
Il n’oublie pas non plus "la perspective de l’équilibre financier" du système des retraites, largement déficitaire en France. "Le Premier ministre a indiqué qu’il souhaitait reprendre ce dossier, je crois que les partenaires sociaux, au moment donné où il y a cette décision, travailleront avec le Premier ministre."
Pour certains partenaires sociaux, il y a d’autres priorités que celle-là. "Tout est prioritaire", estime Alain Griset. "La priorité, c’est effectivement l’économie, le développement, la protection des entreprises." Toutefois, "on risque d’avoir un déficit extrêmement important, au niveau des retraites" ce qui fait qu’il faut aussi "garantir l’avenir".
"Je crois que si chacun respecte, déjà on ferait un grand progrès"
La guerre entre les VTC et les taxis continue en France, exacerbée par la crise économique. Alain Griset, ancien artisan taxi, ne compte toutefois pas intervenir directement puisqu’il rappelle que "c’est la compétence du ministère des Transports". Il concède que "ça serait surprenant que je ne connaisse pas le secteur", mais il souligne que la réglementation est bien du ressort du ministère des Transports et donc ne fait pas partie de son portefeuille directement.
La guerre entre les deux camps, "ce n’est pas tout à fait nouveau" souligne Alain Griset qui rappelle qu’elle a commencé dès 2009 lors de la création des VTC. Mais "les choses se sont un petit peu stabilisées" depuis. "Je pense qu’il y a possibilité de trouver des solutions", juge le ministre. "Il y a une nécessité que chacun respecte la réglementation : le taxi a une réglementation spécifique, le VTC également. Je crois que si chacun respecte, déjà on ferait un grand progrès, ce qui n’est pas toujours le cas pour l’instant."
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