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Mathieu Bock-Côté : "Le désaccord intellectuel est présenté comme un propos haineux"

Par Jean Baptiste Giraud

Mathieu Bock-Côté, essayiste et chroniqueur politique, était l'invité d’André Bercoff sur Sud Radio le lundi 20 novembre 2023 dans "Bercoff dans tous ses états".

Mathieu Bock-Côté
Mathieu Bock-Côté, invité d’André Bercoff dans "Bercoff dans tous ses états” sur Sud Radio.

Mathieu Bock-Côté est auteur du livre Le totalitarisme sans le goulag (Presses de la Cité).

 

Mathieu Bock-Côté : "La notion de fait divers permet de nommer les événements tout en les évacuant"

"On a une idéologie dominante, qui est très forte. Elle est portée par les médias, pas l’université, par le milieu de la publicité, par une bonne partie du capitalisme… Elle dit : ‘Il faut déconstruire l’ensemble des systèmes normatifs qu’on connaissait traditionnellement : l’État, l’école, la famille, la Nation, la culture générale, la dualité sexuelle hommes-femmes… Cela, pour qu’émerge un paradis, une société diversitaire’. C’est le mauvais individualisme : pas l’individualisme de la responsabilité mais un individualisme du caprice.

 


On a cette espèce de paradis qui nous est proposé. Or, la réalité, c’est que l’idéal diversitaire est chaque jour démenti par le réel. Montée de l’insécurité comme jamais, l’insécurité culturelle des peuples occidentaux, qui se sentent de plus en plus étrangers chez eux, réduction de la liberté d’expression, parce que le désaccord intellectuel est présenté comme un propos haineux… On ne va pas discuter avec vous, on va chercher à vous infréquentabiliser. Et quand le réel cogne à la porte et fracasse l’idéologie, qu’est-ce qu’on fait ? Et bien, le système médiatique dominant cherche à faire en sorte que ce réel ne passe pas, ne soit pas visible pour l’ensemble de la population. Soit on passe sous silence des faits qui pourraient troubler le grand récit de la diversité heureuse. Sur l’immigration massive, on va dire soit qu’elle n’a pas eu lieu, soit qu’elle est inévitable, nécessaire et formidable. Concernant l’insécurité, et donc la fragilisation des conditions de l’existence en société, on va réduire l’insécurité à des milliers de faits divers en expliquant qu’aucun d’entre eux n’a de signification sociologique ou politique. La notion de fait divers permet de nommer les événements tout en les évacuant. De les mentionner tout en disant qu’il n’y a pas de réflexion politique à avoir sur ça."

"Si vous contestez certaines revendications minoritaires, vous êtes dans le discours haineux"

Mathieu Bock-Côté a aussi touché un mot de l’épidémie de Covid-19 qui, selon lui, a été l’occasion pour les gouvernements de contrôler les rapports sociaux et institutionaliser la délation. "La première année, je dirais six mois à un an, comme tout le monde, je me disais : ‘si la peste est de retour, on reste chez soi et on suit les consignes données’. Et là, plus le temps passait, plus on se disait que, manifestement, nos gouvernements ont probablement fait ce qu'ils pouvaient au début. Mais ils ont basculé rapidement. Ils ont goûté le plaisir qu'ils avaient à pouvoir encadrer et contrôler de manière maximale les rapports sociaux. Et on est passés en temps réel et avec un consentement fascinant de la population, d'une société de liberté à une société d'autorisation. Au Québec, il y a eu un moment où il y a eu l'appel à la délation. Pour moi, c'est probablement le trait le plus terrible révélé par la crise de la Covid. 'Si vous croyez que votre voisin fait une fête sans en avoir le droit, dénoncez-le.' Or, pour moi, l'appel à la délation, l'institutionnalisation de la délation comme exemple du comportement civique exemplaire, pour moi, c'est assez révélateur. Ce qu'on doit retenir trois ans après le Covid, c'est à quel point nos sociétés sont beaucoup plus dociles qu'on ne le pensait. Il y a une fragilité psychologique, mentale."

 


Selon Mathieu Bock-Côté, ces derniers temps, le soi-disant refus de la diversité est lui aussi vu comme une manifestation de haine. "J'évoquais la question du contrôle du discours : ça me fascine, ce qu'on nomme aujourd’hui ‘discours haineux’. La haine en soi n’est pas le problème. Le problème, c’est la définition de la haine qui est proposée. Aujourd'hui, quand on regarde soit la définition des grandes plateformes, soit des gouvernements qui font des lois contre des propos haineux, globalement, si vous n'êtes pas enthousiaste devant l'idéal diversitaire, si vous contestez certaines revendications minoritaires, vous êtes dans le discours haineux. Je vais vous donner un exemple qui vient du Québec, mais qui est intéressant parce que ça a traversé l'Atlantique. Ces derniers mois, il y a une volonté de la mouvance des drag queens. Vous savez, ces hommes qui se déguisent en femmes sexualisées, ils vont lire des contes dans les bibliothèques scolaires pour les enfants. Et là, des parents avec raison disent : 'c'est quoi, ça ? Pourriez-vous ficher la paix aux enfants ? Soyez drag queen comme vous le voulez, c'est la culture de la nuit, c'est la culture de l'exubérance, très bien. Mais est-ce qu'on pourrait ficher la paix aux enfants ?'. Et, réaction de plusieurs chroniqueurs chez nous, mais aussi chez vous : 'Et bien, voici le nouveau visage de l'extrême-droite et de la haine qui est le refus de la diversité'. Donc, refuser la présence de drag queen à l'heure du conte dans les écoles pour les enfants, c'est le nouveau visage de l'extrême-droite, ça ne nous confie même pas à quel point le concept d'extrême-droite sert aujourd'hui simplement à stigmatiser tous ceux qui n'embrassent pas chaque nouvelle étape du pseudo-progrès."


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