La plateforme asiatique Shein a affirmé ce lundi avoir instauré une « interdiction totale des produits de type poupée sexuelle ». Un porte-parole de la marque à même confié à l'AFP que « ces mesures s’appliquent partout dans le monde ». Une décision mondiale donc, censée répondre à un problème très concret. En effet la découverte réalisée sur la version française du site est restée un temps accessible via les versions internationales de Shein. Cette faille aurait permis durant plusieurs heures à des utilisateurs de VPN d’acheter ces poupées en contournant les restrictions françaises.
En vertu de la loi française, la diffusion, via un réseau de communication, d’une représentation à caractère pédopornographique est passible de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende. Pourtant cette peine concerne uniquement les vendeurs et un flou persiste concernant les acheteurs.
Shein indique avoir supprimé toutes les annonces et visuels associés, et suspendu temporairement sa catégorie « produits pour adultes ». Une suspension qui interroge sur les intentions réelles de la plateforme sur le long terme, même si elle affirme avoir renforcé ses procédures de surveillance.
Ce que l’on sait des peines pour les acheteurs
Cela peut paraitre étonnant mais même un acheteur "non-innocent" peut se retrouver dans une zone grise. Selon les circonstances liée à la "description du produit, contexte et intention", un acheteur de ces poupées peut passer pour un simple propriétaire d'une collection de Barbie. La haut-commissaire à l’Enfance, Sarah El-Haïry, a été sans détour : "Les gens qui ont acheté ces poupées ont utilisé leur carte de crédit (…) Ce ne sont pas des objets pornographiques, mais des objets pédocriminels."
Le porte-parole de Shein, Quentin Ruffat, lui a répondu : "J’ai entendu les inquiétudes de la commissaire à l’Enfance Sarah El-Haïry, que je partage personnellement et que la marque Shein partage également. Nous serons ravis de pouvoir échanger avec elle sur ces sujets de pédocriminalité, trop graves pour être passés sous silence.". Sarah El-Haïry a par ailleurs demandé à ce que la liste de ces acheteurs soit rendue publique.
Ce que dit la loi
Le cadre légal français est clair. Lorsqu’il s’agit d’images ou de représentations pornographiques mettant en scène des mineurs, l’article 227-23 du Code pénal stipule : "Le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d’enregistrer ou de transmettre l’image ou la représentation d’un mineur lorsque celle-ci présente un caractère pornographique est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende."
Et même sans diffusion, la possession ou l’acquisition de telles images est passible de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. En clair : possession, diffusion ou achat de contenu pédopornographique sont punissables. Mais le problème, c’est que la loi parle d’images et de représentations, pas d’objets physiques. La possession et l'acquisition de ces poupées pédopornographiques pose donc question.
Un flou juridique persistant
Et c’est là que tout se complique. Les textes existants visent les photos, vidéos ou enregistrements, mais pas les objets réels comme une poupée sexuelle à l’apparence d’un enfant. Peut-on alors considérer une telle poupée comme une « représentation pornographique » d’un mineur ? Juridiquement, rien ne le précise clairement.
À ce jour, aucune peine spécifique n’existe pour la possession ou l’achat d’un tel objet. Et même si la morale choque, la vente de poupées sexuelles en général n’est pas interdite par la loi française et est largement autorisé dans le monde. Un vide juridique qui laisse planer un malaise : celui d’une technologie de plus en plus réaliste, capable de franchir les limites du tolérable sans qu’aucun texte ne l’interdise encore.