Avec l’ouverture de Shein, une enseigne chinoise, au BHV on marche un peu sur la tête ?
"Oui. Je ne sais pas si on réalise bien le délire de la situation. Voilà une marque qui paye, selon des ONG chinoises, 27 centimes à ses ouvriers pour chaque t-shirt fabriqué. Elle détruit l'environnement avec ses milliers de rotations d'avions qui tournent pour arroser la planète de ses produits si bas de gamme, qui épuisent en plus les matières premières, qui ont une obsolescence programmée de quelques mois voire quelques semaines mais détruisent aussi l'industrie textile européenne et le commerce.
Cette plateforme qui met en vente des poupées à caractère pédosexuel et donc pédocriminel. Et cette marque vient tranquillement ouvrir demain son corner dans l'un des magasins les plus emblématiques de Paris, le BHV. Pourquoi je reparle de Shein ? D'abord parce que ça ne va pas s'arrêter.
Et puis parce que j'écoutais hier soir le directeur du BHV qui semblait parfaitement imperméable à toutes les critiques, les pétitions, les manifestations. Tant que le modèle Shein évolue, et bien il a sa place en France. Que l'entreprise chinoise respecte tous les objectifs qualitatifs.
Shein au BHV : "On marche sur la tête ! Comment peut-on laisser le loup entrer dans la bergerie ? Comment ces plateformes sont-elles à ce point incontrôlables ? Pourquoi aucune législation pour les réguler ?", l'édito de @francoisedegois #GrandMatin https://t.co/Bnhy5aTtxM pic.twitter.com/qNXhRS1iyB
— Sud Radio (@SudRadio) November 4, 2025
"Un aplomb ou un déni"
Non, il n'a jamais entendu parler des ouvriers payés 27 centimes d'euros. Oui, Shein a été piégée par la mise en ligne de ses poupées à vomir, c'est ce qu'il dit lui. Oui, il faut évoluer. Et non, l'ouverture du premier magasin physique ne participera pas à la destruction du petit commerce.
Un aplomb ou un déni alors que 12 marques ont déjà décidé de se retirer du BHV. Que Disney refuse désormais, vous savez, de faire la vitrine de Noël. Et qu'une pétition a déjà reçu 100 000 signatures.
Pourquoi un tel déni ? Parce que le business avant tout, juteux, 25 millions de français achètent Shein. Le BHV connaît des difficultés financières depuis des années, des difficultés énormes. Et bien le BHV a décidé de plonger dans ce qu'il croit être la bonne soupe."
"Comment peut-on laisser le loup entrer dans la bergerie"
Et vous dites que cette installation pose un certain nombre de questions politiques.
"Oui, comment peut-on laisser le loup entrer dans la bergerie de cette façon ? Comment ces plateformes sont à ce point incontrôlables qu'on met des jours avant de réaliser qu'elles vendent des horreurs ? Je pense évidemment aux poupées.
Comment se fait-il qu'il n'y ait aucune législation pour réguler ce déferlement digital et désormais concret puisque ce magasin existe ? Pourquoi sommes-nous si friables ? Pourquoi ? Parce qu'il y a dans le monde du business une fascination pour ces réussites planétaires, que ce soit Shein ou les GAFAM. Parce que nous sommes désormais les cibles de leurs algorithmes qui appuient sur notre passion dévorante pour la consommation de la plus petite chose à la plus importante, quelle qu'elle soit. Car nous ne sommes pas unis en Europe et nous sommes trop timides en France."
"Il est trop tôt pour crier victoire"
Et cette fois, ça peut changer ?
"Oui, les enquêtes sont ouvertes contre Shein mais trois autres plateformes sur ce type de vente écœurante, pénalement répréhensible. Ça pourrait d'ailleurs sonner le toxin de cette liberté effrénée. On parle déjà d'une loi visant à l'interdire, ça c'est Roland Lescure, le ministre de l'économie.
Je mets cela en parallèle avec le réveil des démocraties contre les réseaux sociaux, c'est exactement la même chose. L'Australie est la plus dure, vous avez vu qu'elle a légiféré contre TikTok et le groupe Meta, interdiction d'accéder à ces plateformes si vous n'avez pas 16 ans. En France, Emmanuel Macron va faire dans quelques jours des annonces en ce sens, alors il est trop tôt pour crier victoire.
Mais il y a deux indices sur Shein depuis hier. Le premier, c'est que le PDG chinois de Shein qui devait assister à l'inauguration de ce premier magasin dans la plus belle ville du monde, ne sera pas là. Il est retenu ailleurs, drôle de prétexte. Et le BHV aussi qui devait ouvrir à Shein à Angers, fin novembre, a décidé de ne plus communiquer finalement sur les dates d’ouverture. Des signes qui disent peut-être que l'assurance affichée est quelque peu fissurée."
Retrouvez Drôle d'époque dans le Grand Matin Sud Radio au micro de Patrick Roger.