Deux policiers accusés de viol par une femme dans une geôle du tribunal de Bobigny ont été mis en examen et placés en détention provisoire samedi, une affaire qui a suscité une vive condamnation du ministre de l'Intérieur.
Ils sont poursuivis pour viols et agressions sexuelles par personnes abusant de l'autorité conférées par leurs fonctions, a détaillé la procureure de Paris Laure Beccuau dans un communiqué.
"Après débats contradictoires, les intéressés ont été placés en détention provisoire par ordonnances du juge des libertés et de la détention, sur réquisitions conformes du parquet", a-t-elle ajouté.
Les deux policiers ont reconnu avoir eu des relations sexuelles avec cette femme, tout en affirmant qu'elles étaient consenties, avait expliqué vendredi à l'AFP une source proche du dossier.
Une autre source proche du dossier a précisé que la jeune femme était âgée de 26 ans et que les policiers avaient eux 35 et 23 ans.
Xavier Nogueras, avocat du policier le plus âgé, a fait état lui aussi d'une "relation consentie". Le policier qu'il défend "a huit ans d'expérience", "est aguerri, expérimenté, passionné par son métier", et "se retrouve en face de quelqu'un qui porte des accusations, alors qu'elle-même est particulièrement habituée aux locaux de garde à vue, de ses propres aveux", a-t-il pointé.
Après avoir "vu trois magistrats, puisqu'elle a été condamnée à une peine de 18 mois d'emprisonnement", cette femme "va très opportunément déclarer que l'acte, qui est reconnu par ailleurs par mon client comme étant un acte parfaitement consenti, aurait été commis sous la contrainte, sous prétexte que celui-ci est en uniforme", a déclaré l'avocat à des journalistes au palais de justice de Paris.
- Fuites dans la presse -
"Il y a un volet évidemment disciplinaire, il y a un volet moral, mais on n'est pas ici pour faire ni de la morale ni de la déontologie des policiers: on est sur un volet pénal et le seul port d'un uniforme ne nous permet pas d'affirmer que celui-ci exerçait une quelconque contrainte sur une personne qu'il dit être seule à l'initiative de ce qu'il s'est passé", a encore affirmé le conseil.
"C'est très consternant pour nous de constater qu'un dossier a autant fuité dans la presse", avant même que "nous puissions y avoir accès", a par ailleurs affirmé Me Nogueras.
"Ce qu'on souhaiterait, c'est que le secret soit respecté le plus longtemps possible pour permettre à ce policier (...) de pouvoir parler librement et que ce ne soit pas sous pression", a encore dit cet avocat.
La jeune femme était, au moment des faits qu'elle dénonce, "déférée au parquet de Bobigny pour des faits de soustraction par un parent à ses obligations légales compromettant la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant", avait indiqué le procureur Éric Mathais dans un communiqué.
Mercredi en fin d'après-midi, elle "a révélé avoir fait l'objet de deux viols durant la nuit du 28 au 29 octobre par deux fonctionnaires", avait-il expliqué, en précisant que les policiers avaient été placés en garde à vue jeudi matin.
Le tribunal de Bobigny, géographiquement compétent, s'est depuis dessaisi au profit du parquet de Paris.
- "Immédiatement suspendus" -
"S'ils sont avérés, ces agissements sont extraordinairement graves et inacceptables", avait réagi jeudi le ministre de l'Intérieur Laurent Nuñez dans une déclaration à l'AFP, en expliquant que les deux agents avaient "été immédiatement suspendus".
L'Inspection générale de la police nationale a été saisie de l'enquête.
Si celle-ci "conclut que des faits criminels ont été commis, et que l'honneur des policiers a été sali, il va de soi que des sanctions seront prises", a ajouté M. Nuñez, assurant que sa "fermeté sera totale".
Le dépôt de Bobigny est l'antichambre d'un des tribunaux les plus importants de France, le deuxième après Paris. Situé au sous-sol du palais de justice, il est réputé pour être perclus de problèmes mais doit bénéficier des prochains travaux d'extension du tribunal, qui prévoit l'aménagement d'un nouveau dépôt.
Par Céline CORNU et Shahzad ABDUL / Paris (AFP) / © 2025 AFP