Ses victimes présumées, mais aussi son avocat, ont "hâte de l'entendre": après deux semaines d'audience, l'ex-anesthésiste Frédéric Péchier, jugé à Besançon pour 30 empoisonnements au bloc opératoire dont 12 mortels, s'exprime lundi à la barre pour la première fois sur les faits.
Depuis l'ouverture des débats le 8 septembre, l'accusé de 53 ans, qui comparaît libre mais risque la réclusion à perpétuité, ne s'est vu accorder que brièvement la parole, le premier jour. Il avait alors une nouvelle fois clamé son innocence.
La présidente Delphine Thibierge avait ensuite refusé de s'écarter du programme prévu et de l'entendre au fur et à mesure des débats parfois techniques qui ont suivi. Ceux-ci ont notamment porté sur le déroulement de deux derniers empoisonnements qui lui sont imputés, survenus début 2017.
Or, "il y a beaucoup de questions à lui poser", affirme son défenseur Me Randall Schwerdorffer, soulignant que son client, lors de cet interrogatoire prévu lundi à partir de 14H00, aura "à cœur de s'expliquer" en détail sur les faits qui lui sont reprochés.
L'ancien praticien, se réjouit l'avocat, "va pouvoir apporter un certain nombre d'explications" sur les arrêts cardiaques suspects de Sandra Simard et Jean-Claude Gandon, deux victimes qui ont survécu et assistent au procès.
Ce sera "la première fois que la cour d'assises entendra la voix de Frédéric Péchier réellement", ajoute-t-il.
Selon l'accusation, l'accusé aurait empoisonné des patients, entre 2008 et 2017 dans deux cliniques de Besançon, pour nuire à certains de ses collègues médecins avec qui il était en conflit.
A partir de lundi, il devra notamment expliquer pourquoi, lors de l'arrêt cardiaque de Mme Simard, le 11 janvier 2017, il a spontanément injecté, pour la réanimer, du gluconate de calcium, un produit utilisé pour aider le coeur en cas d'excès de potassium, alors qu'il n'était pas censé savoir à ce moment-là que la patiente avait été intoxiquée au potassium.
- Cluedo médical -
Aux yeux de l'accusation, ce détail prouve que c'est bien lui qui aurait ajouté une dose très élevée de potassium dans la perfusion de la jeune femme, venue à la clinique pour une simple opération du dos.
La semaine dernière, une infirmière a en outre raconté à la cour avoir fourni du potassium à Frédéric Péchier, à sa demande. Cela ne prouve rien, estime cependant la défense, pour qui l'accusé, s'il avait réellement voulu se procurer ce produit en vue d'un empoisonnement, aurait très facilement pu en voler à l'hôpital, sans prendre le risque d'en demander à visage découvert.
Jusqu'à présent, le Dr Péchier n'a pas eu non plus l'occasion de s'exprimer sur le cas de M. Gandon, le seul, parmi les 30 victimes présumées, qu'il avait anesthésié lui-même. Selon les enquêteurs, il aurait empoisonné ce patient, le 20 janvier 2017, avec un produit d'anesthésie locale (mépivacaïne), pour se forger un "alibi", alors qu'une enquête venait justement d'être ouverte sur le cas de Mme Simard.

Me Stéphane Guiranna, l'un des avocats des parties civiles au procès de l'ex-anesthésiste Frédéric Péchier, le 8 septembre 2025 à la cour d'assises de Besançon
ROMEO BOETZLE - AFP/Archives
La semaine dernière, les débats sur ce cluedo médical ont mis en évidence que, le jour des faits, entre 08H15 et 09H00, les deux personnes les plus susceptibles d'avoir injecté le poison étaient le Dr Péchier et une élève infirmière anesthésiste. Or l'accusé a demandé à ce moment-là à cette soignante de quitter le bloc opératoire pour prendre une pause. Quand elle est revenue, le patient de 70 ans présentait de premiers signes de détresse cardiaque.
"Il va falloir quand même qu'il (le Dr Péchier) s'explique. Je pense qu'il serait temps de nous dire les choses", observe Me Stéphane Giuranna, avocat d'une partie de la famille de M. Gandon. "Les victimes ont hâte de l'entendre s'expliquer" et répondre à leurs "dizaines, voire centaines de questions", ajoute-t-il.
Le procès est prévu jusqu'au 19 décembre.
Par Arnaud BOUVIER et Angela SCHNAEBELE / Besançon (France) (AFP) / © 2025 AFP