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Procès Mediator - "J'ai un trou dans le cœur, une infection du colon et le labo marche toujours !"

Par Augustin Moriaux

Il y eut la condamnation de Sanofi dans l'affaire de la Dépakine, en août dernier, mais il est extrêmement rare qu'un laboratoire soit condamné pour de tels faits. Les laboratoires Servier s'en sont sortis, ce lundi 29 mars, avec une facture pour le moins salée : 2,7 millions d'euros d'amende et 180 millions d'euros de dommages et intérêts à verser aux victimes du Mediator. Suffisant pour autant ? La reconnaissance du statut de victime est une avancée non négligeable mais la colère demeure.

Jean-Philippe Seta, ex-numéro 2 de l'entreprise, a été condamné à 4 ans d'emprisonnement avec sursis et 90 600 euros d'amende. (Photo de Thomas Coex / AFP)

Un reportage de Clément Bargain pour Sud Radio.

 

La justice a suivi l'ordre naturel des choses : le Mediator a tué, les laboratoires Servier sont condamnés. Après 18 mois de procès et plus de 500 heures d’audience, le tribunal correctionnel de Paris a déclaré le laboratoire français coupable de "tromperie aggravée et d'homicides et blessures involontaires". En découle une amende de 2,7 millions d'euros et à 180 millions d'euros à verser aux victimes. Jean-Philippe Seta, bras droit de Jacques Servier - lequel est décédé il y a six ans -, a quant à lui été condamné à quatre ans de prison avec sursis et 90 600 euros d'amende. Pour l’accusation, les propriétés anorexigènes (coupe-faim) et les dangereux effets secondaires de ce médicament, ont été dissimulées aux 5 millions de personnes qui l'utilisaient, jusqu’à son retrait du marché en 2009.

 

Une victoire juridique en demi-teinte

Seulement, la victoire juridique laisse un goût amer pour les victimes qui auraient souhaité la fermeture pure et dure des laboratoires en question, ainsi que des peines de prison pour les responsables qui savaient.

À la sortie de la salle d'audience, notre reporter Clément Bargain a recueilli des témoignages éloquents sur cette satisfaction en demi-teinte. Une victime échange alors avec Maître Jean-Christophe Courbis, avocat de 2600 parties civiles.

"Il y a des gens qui sont morts et personne n'a pris du ferme !", lance une femme qui subit encore aujourd'hui les séquelles du médicament. "Cela reste tout de même assez exceptionnel de voir un laboratoire condamné. Rien ne pourra réparer votre souffrance mais c'est tout de même un vrai effort qui a été fait par ce tribunal de reconnaître votre statut de victime et de vous indemniser à peu près convenablement", lui répond Me Coubris, d'un ton rassurant.

 

Les laboratoires Servier toujours autorisés à exercer et à commercialiser, le point noir du jugement pour les victimes

Le montant de l'amende, la durée et la qualification des peines, rien qui émane du jugement ne contente Faïza dont la vie est ruinée. Elle avait ingéré du Mediator durant sept ans pour perdre du poids.

"J'ai un trou dans le coeur, une infection du colon, le diabète, les tyrhoïdes, toutes les maladies. Ça m'a gâché ma vie et le laboratoire marche toujours."

Michel, 78 ans, laisse aussi éclater sa colère, brandissant son pilulier, arme du crime.

"Moi je veux la peau de Servier ! Tous les jours, on est en train de mourir avec notre sang, notre coeur et notre diabète. Moi, je ne peux plus rien faire."

Pour autant, nombreux relativisent et admettent que la reconnaissance du statut de victime est déjà un grand pas. C'est un soulagement pour Patricia, venue soutenir son frère.

"On sait déjà que ce sont des victimes reconnues, c'est important et on continue, on ne lâchera rien".

 

180 millions de dommages et intérêts contre 400 millions de chiffre d'affaires dégagés grâce au Mediator

Les condamnations sont insuffisantes pour Maître Charles-Joseph Oudin, avocat de parties civiles.

"C'est l'aboutissement de onze années de procédure. En revanche, les peines prononcées, notamment les peines d'amende, sont trop faibles à titre individuel au regard de chacune des victimes et au regard du caractère lucratif du comportement des laboratoires Servier. Nous ne pouvons pas comprendre, alors que le produit leur a rapporté environ 400 millions d'euros, que ceux-ci soient condamnés à 180 millions d'euros de dommages et intérêts. Nous envisageons très sérieusement de faire appel sur les indemnités allouées aux victimes."

 

Maître Coubris, avocat des victimes du Mediator, auteur « Au nom de toutes les victimes » dans le milieu médical, aux éditions Flammarion, était l'invité du Grand Matin Sud Radio ce mardi 30 mars. Il se dit "satisfait du verdict" et salue un procès historique.

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