Sous son bonnet de bain à tête de requin, Iliam jubile de démontrer qu'à "six ans et demi", il n'a "plus du tout peur" de se noyer depuis qu'il suit les stages gratuits "Savoir nager" en Seine-Saint-Denis, dans la continuité des JO.
Par un toboggan rouge, quinze enfants de 6 à 8 ans glissent dans le grand bassin du stade nautique Maurice Thorez, rénové pour accueillir l'été dernier les entraînements olympiques de water polo, à Montreuil.
Les deux mètres de profondeur impressionnent. Mais bientôt le maître-nageur Lior Sellem invite chacun à descendre "vite, comme des pompiers, le long de la perche" qu'il tient verticalement.
- Avant de descendre sous l'eau, qu'est-ce que je fais? Je prends...
- ... de l'air !, répondent les enfants, le répétant comme un mantra.
Plusieurs exercices visent à faire ressentir "la remontée passive": en remplissant d'air leurs poumons, ils vont flotter "comme un ballon". "On essaie de vivre cette magie tous ensemble!", encourage le maître-nageur, ponctuant la séance de "c'est bien, championne", "bravo, mon grand".
Cet été, onze piscines gérées par l'établissement public territorial Est Ensemble proposent des stages intensifs gratuits pour les 5-12 ans dans neuf villes de banlieue parisienne. Le dispositif, subventionné en partie par l'Agence nationale du sport, s'inscrit dans la continuité du "1,2,3 nagez avec Paris 2024" lancé en 2021.

Un maître-nageur tient une perche à laquelle est accroché Iliam, 6 ans, lors d'un stage gratuit "Savoir nager", le 8 août 2025 au stade nautique Maurice Thorez de Montreuil, près de Paris
Dimitar DILKOFF - AFP
Un an après les Jeux, les épreuves de natation passionnent toujours le pays, après la collection de médailles de Léon Marchand. Et des espaces de baignade sont ouverts depuis juillet dans la Seine.
Mais c'est un été noir pour le nombre de noyades: quelque 200 personnes en moins de deux mois, dont 27 enfants et adolescents (15 en 2024), sont décédées.
"Les JO font rêver mais au-delà des performances, c'est aussi une cause nationale d'apprendre à nager à tous les enfants", souligne Fabien Asquoët, responsable du pôle politique sportive d'Est Ensemble. Ces stages sont "un service public réellement nécessaire sur un territoire touché par la pauvreté", en plus des cours dispensés à l'école, dit-il.

Un maître-nageur donne un cours lors d'un stage gratuit "Savoir nager", le 8 août 2025 au stade nautique Maurice Thorez de Montreuil, près de Paris
Dimitar DILKOFF - AFP
"Plus on tarde (dans l'initiation), plus il y a de freins et de honte", constate le directeur du stade nautique, Benoît Montagna. "On n'ose plus dire à ses copains qu'on ne sait pas nager. Et chez les adolescents ou les adultes, on peut se mettre en danger en voulant imiter les autres".
- Etoile de mer -
Parfois "les parents eux-mêmes ont peur de l'eau et cette peur parentale, transmise, joue énormément", relève M. Sellem.
Un garçonnet pleure soudain de peur. Une fillette fait "non" de la tête avant un exercice.
Mais "rien n'est imposé", assure M. Montagna, car il s'agit avant tout de mettre l'enfant en confiance pour "qu'il apprenne à se sauver lui-même s'il venait à chuter dans l'eau".

Iliam, 6 ans, participe à un stage gratuit "Savoir nager", le 8 août 2025 au stade nautique Maurice Thorez de Montreuil, près de Paris
Dimitar DILKOFF - AFP
Iliam, 6 ans, qui l'été dernier avait cru "se noyer" en vacances, crawle maintenant à sa façon. "J'aime très bien ça", confie-t-il à l'AFPTV. "Quand je tombe dans l'eau, soit je nage, soit je fais la planche, l'étoile de mer... ou bien mon corps me sauve" en flottant.
"C'était la noyade qui nous faisait peur", confirme sa mère, Mélodie Kaced.
Les enfants d'ouvriers non qualifiés sont six fois plus nombreux que les enfants de cadres à ne pas savoir nager, selon une étude de 2021 de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire. Et les collégiens des milieux sociaux plus aisés savent d'autant mieux nager qu'ils partent longtemps en vacances d'été.
Fabien Asquoët approuve: "Quand on a fait une expérimentation en juin avec 130 enfants de CM1 de Noisy-le-Sec pour qu'ils s'initient à la nage en eau vive, en milieu naturel, pour beaucoup, c'était la seule semaine pendant laquelle ils partaient en vacances...".

Des enfants participent à un stage gratuit "Savoir nager", le 8 août 2025 au stade nautique Maurice Thorez de Montreuil, près de Paris
Dimitar DILKOFF - AFP
En 2026, il espère constater une hausse du nombre d'enfants de CM2 qui décrocheront l'attestation du "savoir-nager" en sécurité. A l'échelle d'Est Ensemble, seuls 53% de ces enfants l'ont obtenue l'an dernier.
Reste que la forte baisse projetée des crédits du sport en 2026 dans le plan de rigueur de François Bayrou inquiète: outre les noyades, la vice-présidente aux sports d'Est Ensemble Anne-Marie Heugas (Ecologistes) pointe "les soucis de santé physique et mentale des enfants qui ont déjà trinqué avec le Covid", espérant que "le sport soit revalorisé".
Par Laurence BOUTREUX / Montreuil (AFP) / © 2025 AFP